Tous les articles par Pascale Stabile

Mère d'Adam Richer

Le CT scan

Papa aime bien donner le biberon à son grand garçon
Papa aime bien donner le biberon à son grand garçon

Les pneumonologues trouvent Adam très essouflé lorsqu’il boit. Nous devons donc limiter l’allaitement au sein et offrir plus le biberon. C’est un gros deuil pour moi mais je suis prête à tout pour améliorer sa situation. Un CT scan est requis pour vérifier l’état de ses poumons car les pneumonologues pensent qu’Adam fait des microaspirations, c’est à dire qu’une petite quantité de lait passe dans le mauvais conduit et se rend dans son poumon plutôt que dans son estomac, se qui causerait une inflammation dans son poumon gauche. On nous explique que c’est comme si en courant le marathon on nous demanderait de boire d’un coup un grand verre d’eau…résultat : on s’etouferait! C’est le cas d’Adam lorsqu’il boit son biberon, il est tellement essouflé que c’est comme s’il court sans cesse un marathon.

Le 17 décembre Adam se rend encore une fois dans les bras de l’anesthésiste dans la salle d’examen. Il nous explique que les médecins veulent des images très précises et pour cela il doit pour un certain temps arrêter la respiration d’Adam et que c’est risqué. Il y a un risque qu’il ressorte intubé ou même d’autres complications encore pires. Nous nous n’attendions pas à un tel niveau de risque pour ce simple test et nous sommes surpris et inquiets tout à coup.

Par contre, une fois la procédure terminée, notre Adam sort extubé et nous sommes soulagés. À la salle de réveil du 10è étage, Adam se débarasse tranquillement de l’anesthésie et il pleure beaucoup. Ses petits yeux sont terrorisés, on dirait même qu’il ne nous reconnait pas! Nous devons regagner sa confiance et le rassurer car les nuits suivantes, il se réveille à plusieurs reprises en sursaut et il pleure beaucoup.

Adam quelques heures après son CT scan, encore sous les effets de l'anesthésie
Adam quelques heures après son CT scan, encore sous les effets de l’anesthésie

La semaine suivante, Dr. Béland vient une fois de plus annoncer une mauvaise nouvelle. Elle m’annonce qu’elle est très surprise du résultat du scan. Son poumon gauche est en mauvais état..son seul poumon fonctionnel est très malade, probalement dû à l’inflammation causée par les mircroaspirations. Lorsque j’apprends cette nouvelles, je suis seule avec Adam et je le berce en pleurant en silence. Lorsqu’Alex arrive à l’hôpital, je lui annonce la nouvelle mais nous n’avons pas le temps de pleurer puisque nous devons changer de chambre. Notre chambre est au fond du corridor et j’ai demandé à être située plus près du poste des infirmières pour me sentir plus en sécurité s’il arrive quelque chose. Nous devons transporter nos affaires dans une chambre temporaire, en attendant que notre nouvelle chambre soit lavée.

Toute la journée nous pleurons cette affreuse nouvelle et avons l’air de vrais zombies. Nous avons les yeux rouges et nous sommes épuisés de pleurer ainsi. Lorsque je me déplace pour aller à la salle de bains ou me chercher à manger, tous les regards sont vers moi tellement j’ai un air misérable. Je vis à l’hôpital, je n’ai donc aucune intimité pour vivre mes émotions, je dois les vivre en public.

Les médecins viennent nous voir pour nous expliquer la suite des choses : nous allons devoir gaver notre enfant avec un tube NJ (nasojejunal) afin d’éviter les microaspirations et diminuer les risques que les reflux gastriques se logent également dans les poumons. À partir de ce moment, nous ne pouvons plus le nourrir par la bouche afin de préserver son poumon et permettre qu’il guérisse.

Des infirmières essaient d’insérer le fameux tube. Le tube doit entrer par le nez et il doit cheminer dans l’oesophage, l’estomac, le duodénum et ensuite l’intestin. Il est extrêmement difficile à insérer et les infirmières s’y reprennent à plusieurs reprises sans succès. Pendant tout ce temps, Adam a le ‘gag reflex’ (fait des bruits de vomissements), le tube ressort par sa bouche et il hurle sans cesse…tellement qu’il est à bout de souffle, en sueur et sa fréquence cardiaque monte jusqu’à plus de 200! C’est horrible, c’est trop pour moi. Je ne suis pas encore remise de la nouvelle que je viens d’apprendre sur son poumons gauche, j’ai pleuré toute la journée et je suis épuisée..je suis incapable en ce moment d’être témoin de la souffrance de mon fils. Je dois sortir de la pièce et c’est Alex qui reste aux côtés d’Adam pour tenter de le rassurer. Il est traumatisé et tout ça pour rien car son tube n’est pas encore installé! Étant donné les difficultés, l’installation du tube aura seulement lieu le lendemain car nous devons procéder par fluoroscopie (des rayons x en vidéo) pour s’assurer que le tube est au bon endroit. 

Adam a faim car il n’a pas bu depuis plusieurs heures alors il chigne mais il est trop épuisé. Il est tout blême et très faible. Il s’endort dans les bras de son papa pour une dizaine minutes et se réveille ensuite en sursaut et chigne un peu pour nous dire qu’il a faim. Nous sommes déchirés : les médecins ne veulent pas qu’on le nourisse par la bouche, mais le tube n’est pas installé, notre bébé est affamé et il devra patienter jusqu’au lendemain pour manger…Ce soir là, je pars dormir à la maison car j’ai besoin de repos. Alex prend la relève. Je sais qu’Adam va pleurer toute la nuit si on ne le nourrit pas. Il a le choix de le nourrir quand même par la bouche, malgré la réticence des médecins, ou d’attendre l’installation du tube et passer une nuit blanche à consoler Adam. Je lui dis que peu importe sa décision, je suis d’accord. Il choisit de lui donner le biberon pour éviter qu’il souffre de faim, mais de petites quantité seulement (30 ml à chaque boire). Adam réussit donc à dormir, mais se réveille souvent en sursaut et il a toujours faim.

Le lendemain, le 21 décembre, l’installation du tube a lieu dans la salle de radiographie. Adam est déposé sur la table de radio et attaché pour éviter qu’il bouge. Alex est là pour le rassurer, mais Adam hurle…

Lorsque je reviens de ma nuit de repos, je trouve Adam épuisé, faible et blême, mais il est bien car il dort dans les bras de son papa. Sa voix est rauque tellement il a hurlé au cours des dernières heures. Son pleur est presque un chuchotement. Je me sens tellement coupable et je me demande comment puis-je en tant que mère permettre à des gens de faire souffrir mon enfant de cette façon? Ce qu’il vit est inhumain et j’ai l’impression d’en être la coupable. Je suis tannée, je veux ramener mon enfant à la maison pour qu’il arrête de souffrir ainsi. J’ai une boule dans la gorge, un mélange de cupablité, de colère, de tristesse…je me sens désemparée…prisonnière…je veux quitter l’hôpital car je n’en peux plus de cette vie, mais d’un autre côté, je suis incapable d’abandonner mon enfant. Juste de l’imaginer pleurer seul dans son lit, avec personne pour le consoler c’est impossible, c’est trop cruel. Nous ne pouvons l’abandonner, nous devons continuer de le consoler et de le bercer pour lui donner l’énergie et l’amour et le soutenir pour qu’il passe au travers les épreuves. C’est notre devoir de parent de vivre avec lui ce cocktail d’émotions horribles.

Adam le lendemain de l'installation de son tube NJ
Adam le lendemain de l’installation de son tube NJ

Dorénavant notre enfant n’est plus nourrit comme un enfant normal, il est ce qu’on appelle “gavé”. Nous devons mettre du lait dans un sac spécial et une machine s’occupe d’en donner une certaine quantité à l’heure via son tube. À chaque fois que je mets du lait dans le sac (donc à chaque 4 heures), je repense à quand j’avais de la peine d’arrêter l’allaitement au sein pour le remplacer par biberon. J’étais dont attristée à ce moment…mais avoir su que j’allais gaver mon enfant, j’en aurais tellement pas fait de cas car c’était tellement rien comme deuil finalement! La preuve qu’il peut toujours avoir pire dans la vie…toute une leçon.

Adam qui rit des blagues de son papa
Adam qui rit des blagues de son papa

Le temps des Fêtes

Adam qui fait "Ho Ho Ho" la veille de Noël
Adam qui fait “Ho Ho Ho” la veille de Noël

Après toutes ces émotions et cette série de deuils nous retournons à un rythme de vie plus tranquille dans notre chambre (heureusement) privée. Adam est trop fragile pour être en contact avec d’autres enfants, c’est pourquoi nous sommes en quelque sorte en isolation, pour le protéger de tous les virus autour de nous sur l’étage (grippe, gastro, rhume, etc.).

Le temps des Fêtes arrive et nos proches font du mieux qu’ils le peuvent pour nous apporter du réconfort. Nous nous sentons seuls au monde. Nous avions longtemps rêvé de notre premier Noel avec notre enfant et nous ne pouvons ressentir la fierté le présenter à notre famille car nous sommes isolés. Nous voyons les autres enfants admis sur l’étage obtenir leur congé d’hôpital pour aller festoyer à la maison et nous souhaitons aussi pouvoir sortir, mais pour nous c’est impossible…la santé d’Adam est trop fragile. Nous devons également limiter les visites dans notre chambre à cause des risques de transmission de virus. La veille de Noel, nous recevons quelques membres de la famille paternelle d’Alex et pour le temps d’une soirée, nous avons presque le sentiment d’avoir une vie normale…sauf que nous sommes dans une chambre d’hôpital. Alex doit quitter pour dormir à la maison, la règle ne change pas pour Noel, un seul parent peut rester dormir à l’hôpital…

Adam et ses parents la veille de Noël 2013 à l'hôpital
Adam avec son papa et sa maman la veille de Noël 2013 à l’hôpital

Le matin de Noel nous nous réveillons séparé l’un de l’autre. J’ai passé la nuit sur le lit de fortune à l’hôpital et Alex à la maison. Je suis si triste de ne pouvoir lui souhaiter un Joyeux Noel en personne, je m’ennuie. Par contre, Adam me fait le plus beau cadeau du monde en m’offrant un magnifique sourire le matin de Noel et cela me fait chaud au coeur. Cela me fait penser que dans chaque situation, on peut voir du positif : j’ai eu pour moi toute seule le plus beau des sourires de Noel et je peux bercer le plus merveilleux petit garçon! Je suis une maman heureuse.

Le plus beau sourire du monde!
Le plus beau sourire du monde!

Dans la vie, c’est quand on perd quelque chose que l’on réalise à quel on était chanceux par le passé…c’est ce que nous apprenons maintenant. Nous avons mal car nous n’avons pas droit à des vacances comme à l’habitude pour le temps des Fêtes. Nous prenions ça pour acquis dans le passé. Nous ne souhaitons pas cette année un voyage dans le sud ou un cadeau extravagant…tout ce que nous souhaiterions cette année serait d’avoir des vacances avec notre enfant en santé et de passer du bon temps en famille, chez nous, tranquilles. La preuve que nos priorités changent lorsque la maladie frappe. Une vie parfaitement ordinaire et banale nous conviendrait amplement. Mais nous n’avons même pas droit à cette vie pour l’instant.

Adam le lendemain du jour de l'an qui nous fait de belles grimaces
Adam le lendemain du jour de l’an qui nous fait de belles grimaces

Nous avons tout de même le bonheur d’être entouré d’amis et de famille qui nous apportent réconfort et soutien, chacun à leur façon. Nous avons de la compagnie pour célébrer sobrement le 31 décembre, on nous apporte des petits plats réconfortants ou autres surprises gourmandes, on nous écrit des bons voeux et des mots d’espoir, aussi, une amie artiste nous offre les fonds amassés suite à la vente aux enchères de son oeuvre. Nous nous sentons choyés d’être appuyés, mais nous nous sentons à la fois seuls car nous savons que personne ne peut vraiment comprendre ce que l’on vit…nous avons souvent le goût de nous isoler dans notre petite bulle de malheur et nous finissons par ne plus avoir le goût de donner des nouvelles, car elles ne sont jamais positives. Il est très difficile pour nous d’être témoin du bonheur des autres alors que nous vivons de grandes tristesses et inquiétudes, cela prend toute la place dans notre coeur et dans notre tête.

À ce moment, les cardiologues nous informent que la chirurgie pourrait possiblement avoir lieu le 12 janvier.

Adam qui fait dodo avec son beau chapeau du nouvel an
Adam qui fait dodo avec son beau chapeau du nouvel an

Par contre, nous devons maintenant régler un autre problème : Adam a du sang dans ses selles depuis quelques temps. Si nous n’éliminons pas ce qui cause ce sang, nous ne pouvons rien faire car des anticoagulants sont donnés lors de procédures et on ne peut se permettre de saignement. Les GI soupçonnent une intolérance aux protéines bovines et soya. Pour continuer de lui fournir mon lait, je dois suivre une diète très restrictive. Je dois éliminer les produits laitiers, la viande de boeuf et de veau, les huiles végétales de source non identifiées, la gélatine, le soya, et une panoplie d’autres dérivés. Ça semble plutôt banal, mais il suffit de lire les listes d’ingrédients sur les boîtes à l’épicerie et on se rend compte que presque tous les produits préparés contiennent soit de la lécithine de soya, des substances laitières modifiées ou des huiles végétales non identifiées. Également, la plupart des restaurants ne peuvent me garantir la provenance de plusieurs de leurs aliments. Étant donné que je ne suis jamais chez moi (et qu’Alex n’y va que pour dormir), il est impossible d’arriver à cuisiner des repas et de suivre cette diète. Il est déjà plutôt difficile et cher de nous nourrir sans diète spéciale : chaque jour nous quêtons les repas des patients qui ont quittés l’hôpital et qui seront jetés afin d’économiser quelques dollars! Je ne vois pas comment y arriver… Je suis tellement triste de devoir abandonner l’allaitement à cause que je vis à l’hôpital et que je ne peux trouver une façon de me nourrir et d’être certaine de ne pas être en contact avec les allergènes.

Adam, notre pirate préféré
Adam, notre pirate préféré

Les médecins me proposent alors que l’hôpital fournisse mes repas, puisque c’est en quelque sorte pour nourrir mon fils. Quel soulagement de savoir que je vais pouvoir continuer de fournir mon lait à mon bébé, la seule chose que je peux lui donner et qui me fait sentir une maman “comme les autres”.

Nous devons souvent mettre des mitaines car monsieur Adam essaie d'enlever son tube NJ
Nous devons souvent mettre des mitaines car monsieur Adam essaie d’enlever son tube NJ

Le cathéter cardiaque diagnostique

Adam le coquin
Adam le coquin

Les semaines passent et la diète fonctionne: plus de sang dans les selles! Fiou!

Ma maman, la grand-maman d’Adam, nous permet d’avoir un break une fois par semaine car elle vient garder Adam tous les dimanches à l’hôpital. Quel bonheur de savoir mon enfant en sécurité et de pouvoir prendre du temps avec mon homme. Dans notre chambre d’hôpital, nous sommes sans cesse “dérangés” par un médecin ou une infirmière, il est donc difficile de vivre nos émotions. Aussi, devant Adam, nous voulons rester forts et nous évitons de pleurer le plus possible. Nous voulons éviter qu’il sache qu’il est malade, nous voulons qu’il soit un bébé heureux. Lors de nos après-midi de congés, nous allons faire quelques courses et nous allons à la maison pour partager un bon repas et aussi pleurer notre peine ensemble. Cela nous fait un bien énorme de pouvoir prendre le temps de réaliser tout ce qu’on a vécu depuis les dernières semaines, d’absorber toutes les mauvaises nouvelles et de laisser sortir notre peine pour toutes les fois ou nous nous sommes retenus de le faire. Cela nous permet de continuer cette vie si loin de la normalité.

Je me souviens d’une fois ou nous sommes allés à la boulangerie au coin de la rue. Pour faire le choix de mon pain, je veux m’assurer qu’il ne contienne pas d’allergène et j’informe la préposée que je fais une diète pour allaiter. Elle nous parle de son fils qui a subi une prise de sang sur la tête et à quel point elle a trouvé ça pénible. Elle nous raconte cette anecdote n’ayant aucune idée de tout ce que nous vivons. Nous nous regardons du coin de l’oeil en pensant : mon dieu si elle savait toutes les choses pénibles que nous avons vécu avec notre fils! Et une prise de sang sur la tête, en a eu plus d’une notre Adam! Nous réalisons donc à ce moment que si nous mentionnons que nous avons un enfant, les gens nous demandent les questions d’usage..il a quel âge, est-ce qu’il va bien..Mais nous n’avons pas envie de raconter que notre fils est gravement malade car nous n’avons pas envie de répéter notre histoire et encore moins d’avoir la pitié des autres. Nos points de comparaison ne sont pas les mêmes. Nous avons vu notre enfant souffrir durant les dernières semaines davantage que ce que nous avons nous-même souffert durant notre vie et cela nous attriste beaucoup.

Le 21 janvier, Adam peut recevoir son cathéter cardiaque. Ce cathéter permet d’obtenir beaucoup d’informations cruciales sur l’anatomie d’Adam mais comporte également des risques (hémorragie,  intubation prolongée, etc). La veille, il faut installer un IV (intraveineuse) car il doit être anesthésié une fois de plus, donc il doit être à jeun à partir de 4h am et recevoir du soluté. Le problème est qu’Adam a tellement été piqué souvent dans sa courte vie que toutes ses veines sont brisées. C’est donc une infirmiere néonatale qui vient à notre étage. Elle est habituée de piquer des prématurés, alors pour elle un bébé de 2 mois et demi, c’est géant! Elle réussi du premier coup! Adam pleure très fort, mais cela ne dure qu’un moment, alors il est plutôt facile à consoler.

Adam  est prêt pour son cathéter cardiaque
Adam est prêt pour son cathéter cardiaque

Le lendemain, nous patientons tout l’avant-midi avec un bébé affamé et ce n’est que vers 13h qu’ils sont prêts pour Adam. Une anesthésiste que nous ne connaissons pas arrive pour le prendre et l’amener dans la salle d’intervention. Adam est trop affamé, il fait une crise et pleure tellement qu’il devient rouge vin avec les lèvres bleues. L’anestésiste qui ne connait pas Adam panique et dit : “he’s having an episode”!  Nous ne paniquons pas car bien sûr nous avons vu tellement souvent Adam comme ça. Il faut simplement lui donner de l’oxygène, surveiller sa saturation et le consoler. Nous avions un mauvais présage par rapport à cette procédure car nous ne connaissions pas l’anesthésiste et le fait qu’elle panique ainsi ne fait rien pour nous rassurer. Je suis incapable de consoler Adam car tout le monde panique alentour de nous…comme le temps presse, je donne mon bébé en crise dans les bras d’une anesthésiste que je ne connais pas et je dois m’en aller en le laissant ainsi! J’ai l’impression de l’abandonner, je me sens tellement coupable de ne pas avoir été capable de le consoler. Le cathéter dure 4h! Tout ce temps Alex et moi on est stressé et on essaie de se changer les idées. On finit par simplement retourner dans notre chambre, qui est tellement vide sans notre ti-coco. Nous retournons ensuite dans la salle d’attente et  lorsque la procédure est terminée, on nous informe qu’Adam n’ira pas comme d’habitude à la salle de réveil du 10è étage, mais plutôt aux soins intensifs pour qu’il soit supervisé davantage à cause de “l’épisode” qu’il a eu plus tôt. Environ une heure plus tard, lorsque nous pouvons finalement être à son chevet, notre ti amour a le visage tout enflé. Il fait pitié à voir et cela prend beaucoup de temps avant qu’il reprenne conscience . C’est une piqûre au pied pour une prise de sang qui le réveille brusquement.

Adam aux soins instensifs. Il a des difficultés respiratoires et il est très enflé après son cathéter cardiaque
Adam aux soins instensifs. Il a des difficultés respiratoires et il est très enflé après son cathéter cardiaque

Je dois revenir dormir à ma chambre au 6è étage parce qu’aux soins intensifs il n’y a pas de lit pour les parents au chevet de leur enfant. Je donne mon numéro de cellulaire pour qu’on m’appelle s’il y a quelque chose. Je pars la tête tranquille car je sais que je peux être présente rapidement si on m’appelle .

Vers 7h15 du matin je recois un appel qui me réveille:
– Allo?
– Bonjour, on cherche la maman d’Adam Richer
– Oui c’est moi (je commence à paniquer un peu)
– C’est la secrétaire du 9D, il faudrait monter
– OK j’arrive!

Je raccroche le téléphone en panique. Je m’imagine qu’il y a eu des complications durant la nuit et que mon enfant est dans un état critique. Encore endormie, je suis en pyjama et pantoufles, j’ai les cheveux en broussaille, mais j’attrape ma sacoche et une bouteille d’eau et je cours dans les corridors de l’hôpital en pleurant à chaudes larmes. J’arrive au lit de mon Adam et l’infirmière qui constate que je suis en panique me rassure en me disant :” Ben non il faut pas paniquer, ya rien c’est juste que c’est le changement de shift et le prochain infirmier aura deux patients à s’occuper. Comme Adam pleure sans arrêt, j’ai suggéré qu’on vous appelle pour que vous puissiez le reconforter puisque vous que vous êtes dans l’hôpital”. Ouf! Je peux relaxer mon enfant est ok.

Ok est un grand mot finalement, car il est traumatisé de son cathéter! Il pleure sans arrêt. Dès qu’il arrive à se détendre c’est parce qu’il n’a plus l’énergie de pleurer et dès qu’il sombre un peu dans le sommeil, il sursaute, se réveille et continue de pleurer. Il n’a pas mangé depuis plus de 24h alors je me dis qu’il pleure ainsi parce qu’il est affamé. Son tube pour le nourrir a été retiré pour l’intuber lors de l’intervention, nous devons donc avoir l’ordre d’un médecin pour remettre le tube NJ et reprendre le lait. Le temps de remettre le tube, avoir la radiographie pour savoir s’il est bien placé et trouver la machine pour le feed il est près de 13h!!!! Adam hurle sans arrêt mais nous nous disons que c’est parce qu’il a faim (il est à jeun depuis plus de 30 heures!) et qu’il faut lui laisser de temps de sentir la saciété.

Nous redescendons au 6è étage, puisque son état respiratoire satisfait les médecins. Je passe alors la pire nuit avec Adam. Il fait de la fièvre jusqu’a 39.5 et il pleure sans arrêt. Il n’est pas lui-même, c’est comme s’il est traumatisé suite à son anesthésie. J’essaie de le consoler du mieux que je peux, mais il n’accepte pas que je le touche. Il sursaute quand je lui flatte la jambe et je ne peux le prendre dans mes bras c’est comme si je le brûle tellement il se débat. Pas moyen de lui doner la suce non plus, il n’est même pas capable de téter. L’eau sucrée avec une petit éponge que nous prenons régulièrement pour le récompenser passe même inaperçue. Épuisée et à bout de ressources, je vais chercher un landeau près du poste des infirmières et c’est de cette façon que je réussis finalement à le faire dormir une petite demi-heure.

Je pleure en silence, j’ai le goût de partir chez moi à pied tellement je suis épuisée. Je n’en peux plus de voir mon enfant ainsi et d’être témoin de sa souffrance, impuissante. C’est beaucoup à encaisser pour un coeur de mère. Beaucoup plus que j’en suis capable. J’ai envie de tout lâcher, mais je sais que si nous retournons à la maison, notre fils ne pourra vivre longtemps sans traitement. De plus, il a maintenant besoin de High Flow pour le faire respirer correctement et nous n’avons pas cet équipement à la maison. C’est un cauchemar sans fin. Normalement lorsque j’ai une difficulté dans la vie, je peux faire partie de la solution et prendre action pour régler mon problème. Mais face à la maladie, aucune issue n’est possible. Il faut de la patience, attendre la chirurgie et espérer qu’elle nous donne un fils réparé.

Durant ses périodes noires, Alex fait preuve d’une grande force et me permet de me reposer. Je peux faire de grandes siestes tout l’après-midi ou aller au centre commercial en face de l’hôpital pour prendre l’air et me changer les idées. Cela me permet de rester saine d’esprit, de bouger un peu et de voir de la “civilisation”. Être enfermée dans une chambre d’hôpital tous les jours, sans loisir et sans divertissement est extrêmmement difficile pour une personne comme moi qui aime socialiser.

Alex me démontre à chaque jour à quel point il est un papa et un amoureux extraordinaire. Il est tellement important d’aller creuser en nous pour chercher des forces que nous ne pensons même pas posséder et il est important de travailler en équipe dans ces moments sombres, ce que nous réussissons à faire avec brio.

Finalement après quelques jours, nos efforts nous rapportent car nous réussissons à regagner la confiance d’Adam et nous retrouvons notre bébé enjoué et souriant.

Les résultats du cathéter ne sont pas si encourageants. Il avait comme promesse de d’aider à comprendre la cause de l’hypertension pulmonaire d’Adam, mais finalement, le test n’est pas si concluant. Sa résistance pulmonaire n’est pas si grande, ce qui apporte encore un plus grand risque à la chirurgie…mais on nous explique que la chirurgie n’est pas facultative pour la survie de notre ti-coco. Elle doit avoir lieu avant ses 6 mois sinon les dommages de l’hypertension pulmonaire pourraient être irréversibles.

Quelques jours après le cathéter cardiaque, nous retrouvons le sourire de notre grand garçon
Quelques jours après le cathéter cardiaque, nous retrouvons le sourire de notre grand garçon