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Tout ce qui attrait à ses chirurgies

Le cathéter cardiaque diagnostique

Adam le coquin
Adam le coquin

Les semaines passent et la diète fonctionne: plus de sang dans les selles! Fiou!

Ma maman, la grand-maman d’Adam, nous permet d’avoir un break une fois par semaine car elle vient garder Adam tous les dimanches à l’hôpital. Quel bonheur de savoir mon enfant en sécurité et de pouvoir prendre du temps avec mon homme. Dans notre chambre d’hôpital, nous sommes sans cesse “dérangés” par un médecin ou une infirmière, il est donc difficile de vivre nos émotions. Aussi, devant Adam, nous voulons rester forts et nous évitons de pleurer le plus possible. Nous voulons éviter qu’il sache qu’il est malade, nous voulons qu’il soit un bébé heureux. Lors de nos après-midi de congés, nous allons faire quelques courses et nous allons à la maison pour partager un bon repas et aussi pleurer notre peine ensemble. Cela nous fait un bien énorme de pouvoir prendre le temps de réaliser tout ce qu’on a vécu depuis les dernières semaines, d’absorber toutes les mauvaises nouvelles et de laisser sortir notre peine pour toutes les fois ou nous nous sommes retenus de le faire. Cela nous permet de continuer cette vie si loin de la normalité.

Je me souviens d’une fois ou nous sommes allés à la boulangerie au coin de la rue. Pour faire le choix de mon pain, je veux m’assurer qu’il ne contienne pas d’allergène et j’informe la préposée que je fais une diète pour allaiter. Elle nous parle de son fils qui a subi une prise de sang sur la tête et à quel point elle a trouvé ça pénible. Elle nous raconte cette anecdote n’ayant aucune idée de tout ce que nous vivons. Nous nous regardons du coin de l’oeil en pensant : mon dieu si elle savait toutes les choses pénibles que nous avons vécu avec notre fils! Et une prise de sang sur la tête, en a eu plus d’une notre Adam! Nous réalisons donc à ce moment que si nous mentionnons que nous avons un enfant, les gens nous demandent les questions d’usage..il a quel âge, est-ce qu’il va bien..Mais nous n’avons pas envie de raconter que notre fils est gravement malade car nous n’avons pas envie de répéter notre histoire et encore moins d’avoir la pitié des autres. Nos points de comparaison ne sont pas les mêmes. Nous avons vu notre enfant souffrir durant les dernières semaines davantage que ce que nous avons nous-même souffert durant notre vie et cela nous attriste beaucoup.

Le 21 janvier, Adam peut recevoir son cathéter cardiaque. Ce cathéter permet d’obtenir beaucoup d’informations cruciales sur l’anatomie d’Adam mais comporte également des risques (hémorragie,  intubation prolongée, etc). La veille, il faut installer un IV (intraveineuse) car il doit être anesthésié une fois de plus, donc il doit être à jeun à partir de 4h am et recevoir du soluté. Le problème est qu’Adam a tellement été piqué souvent dans sa courte vie que toutes ses veines sont brisées. C’est donc une infirmiere néonatale qui vient à notre étage. Elle est habituée de piquer des prématurés, alors pour elle un bébé de 2 mois et demi, c’est géant! Elle réussi du premier coup! Adam pleure très fort, mais cela ne dure qu’un moment, alors il est plutôt facile à consoler.

Adam  est prêt pour son cathéter cardiaque
Adam est prêt pour son cathéter cardiaque

Le lendemain, nous patientons tout l’avant-midi avec un bébé affamé et ce n’est que vers 13h qu’ils sont prêts pour Adam. Une anesthésiste que nous ne connaissons pas arrive pour le prendre et l’amener dans la salle d’intervention. Adam est trop affamé, il fait une crise et pleure tellement qu’il devient rouge vin avec les lèvres bleues. L’anestésiste qui ne connait pas Adam panique et dit : “he’s having an episode”!  Nous ne paniquons pas car bien sûr nous avons vu tellement souvent Adam comme ça. Il faut simplement lui donner de l’oxygène, surveiller sa saturation et le consoler. Nous avions un mauvais présage par rapport à cette procédure car nous ne connaissions pas l’anesthésiste et le fait qu’elle panique ainsi ne fait rien pour nous rassurer. Je suis incapable de consoler Adam car tout le monde panique alentour de nous…comme le temps presse, je donne mon bébé en crise dans les bras d’une anesthésiste que je ne connais pas et je dois m’en aller en le laissant ainsi! J’ai l’impression de l’abandonner, je me sens tellement coupable de ne pas avoir été capable de le consoler. Le cathéter dure 4h! Tout ce temps Alex et moi on est stressé et on essaie de se changer les idées. On finit par simplement retourner dans notre chambre, qui est tellement vide sans notre ti-coco. Nous retournons ensuite dans la salle d’attente et  lorsque la procédure est terminée, on nous informe qu’Adam n’ira pas comme d’habitude à la salle de réveil du 10è étage, mais plutôt aux soins intensifs pour qu’il soit supervisé davantage à cause de “l’épisode” qu’il a eu plus tôt. Environ une heure plus tard, lorsque nous pouvons finalement être à son chevet, notre ti amour a le visage tout enflé. Il fait pitié à voir et cela prend beaucoup de temps avant qu’il reprenne conscience . C’est une piqûre au pied pour une prise de sang qui le réveille brusquement.

Adam aux soins instensifs. Il a des difficultés respiratoires et il est très enflé après son cathéter cardiaque
Adam aux soins instensifs. Il a des difficultés respiratoires et il est très enflé après son cathéter cardiaque

Je dois revenir dormir à ma chambre au 6è étage parce qu’aux soins intensifs il n’y a pas de lit pour les parents au chevet de leur enfant. Je donne mon numéro de cellulaire pour qu’on m’appelle s’il y a quelque chose. Je pars la tête tranquille car je sais que je peux être présente rapidement si on m’appelle .

Vers 7h15 du matin je recois un appel qui me réveille:
– Allo?
– Bonjour, on cherche la maman d’Adam Richer
– Oui c’est moi (je commence à paniquer un peu)
– C’est la secrétaire du 9D, il faudrait monter
– OK j’arrive!

Je raccroche le téléphone en panique. Je m’imagine qu’il y a eu des complications durant la nuit et que mon enfant est dans un état critique. Encore endormie, je suis en pyjama et pantoufles, j’ai les cheveux en broussaille, mais j’attrape ma sacoche et une bouteille d’eau et je cours dans les corridors de l’hôpital en pleurant à chaudes larmes. J’arrive au lit de mon Adam et l’infirmière qui constate que je suis en panique me rassure en me disant :” Ben non il faut pas paniquer, ya rien c’est juste que c’est le changement de shift et le prochain infirmier aura deux patients à s’occuper. Comme Adam pleure sans arrêt, j’ai suggéré qu’on vous appelle pour que vous puissiez le reconforter puisque vous que vous êtes dans l’hôpital”. Ouf! Je peux relaxer mon enfant est ok.

Ok est un grand mot finalement, car il est traumatisé de son cathéter! Il pleure sans arrêt. Dès qu’il arrive à se détendre c’est parce qu’il n’a plus l’énergie de pleurer et dès qu’il sombre un peu dans le sommeil, il sursaute, se réveille et continue de pleurer. Il n’a pas mangé depuis plus de 24h alors je me dis qu’il pleure ainsi parce qu’il est affamé. Son tube pour le nourrir a été retiré pour l’intuber lors de l’intervention, nous devons donc avoir l’ordre d’un médecin pour remettre le tube NJ et reprendre le lait. Le temps de remettre le tube, avoir la radiographie pour savoir s’il est bien placé et trouver la machine pour le feed il est près de 13h!!!! Adam hurle sans arrêt mais nous nous disons que c’est parce qu’il a faim (il est à jeun depuis plus de 30 heures!) et qu’il faut lui laisser de temps de sentir la saciété.

Nous redescendons au 6è étage, puisque son état respiratoire satisfait les médecins. Je passe alors la pire nuit avec Adam. Il fait de la fièvre jusqu’a 39.5 et il pleure sans arrêt. Il n’est pas lui-même, c’est comme s’il est traumatisé suite à son anesthésie. J’essaie de le consoler du mieux que je peux, mais il n’accepte pas que je le touche. Il sursaute quand je lui flatte la jambe et je ne peux le prendre dans mes bras c’est comme si je le brûle tellement il se débat. Pas moyen de lui doner la suce non plus, il n’est même pas capable de téter. L’eau sucrée avec une petit éponge que nous prenons régulièrement pour le récompenser passe même inaperçue. Épuisée et à bout de ressources, je vais chercher un landeau près du poste des infirmières et c’est de cette façon que je réussis finalement à le faire dormir une petite demi-heure.

Je pleure en silence, j’ai le goût de partir chez moi à pied tellement je suis épuisée. Je n’en peux plus de voir mon enfant ainsi et d’être témoin de sa souffrance, impuissante. C’est beaucoup à encaisser pour un coeur de mère. Beaucoup plus que j’en suis capable. J’ai envie de tout lâcher, mais je sais que si nous retournons à la maison, notre fils ne pourra vivre longtemps sans traitement. De plus, il a maintenant besoin de High Flow pour le faire respirer correctement et nous n’avons pas cet équipement à la maison. C’est un cauchemar sans fin. Normalement lorsque j’ai une difficulté dans la vie, je peux faire partie de la solution et prendre action pour régler mon problème. Mais face à la maladie, aucune issue n’est possible. Il faut de la patience, attendre la chirurgie et espérer qu’elle nous donne un fils réparé.

Durant ses périodes noires, Alex fait preuve d’une grande force et me permet de me reposer. Je peux faire de grandes siestes tout l’après-midi ou aller au centre commercial en face de l’hôpital pour prendre l’air et me changer les idées. Cela me permet de rester saine d’esprit, de bouger un peu et de voir de la “civilisation”. Être enfermée dans une chambre d’hôpital tous les jours, sans loisir et sans divertissement est extrêmmement difficile pour une personne comme moi qui aime socialiser.

Alex me démontre à chaque jour à quel point il est un papa et un amoureux extraordinaire. Il est tellement important d’aller creuser en nous pour chercher des forces que nous ne pensons même pas posséder et il est important de travailler en équipe dans ces moments sombres, ce que nous réussissons à faire avec brio.

Finalement après quelques jours, nos efforts nous rapportent car nous réussissons à regagner la confiance d’Adam et nous retrouvons notre bébé enjoué et souriant.

Les résultats du cathéter ne sont pas si encourageants. Il avait comme promesse de d’aider à comprendre la cause de l’hypertension pulmonaire d’Adam, mais finalement, le test n’est pas si concluant. Sa résistance pulmonaire n’est pas si grande, ce qui apporte encore un plus grand risque à la chirurgie…mais on nous explique que la chirurgie n’est pas facultative pour la survie de notre ti-coco. Elle doit avoir lieu avant ses 6 mois sinon les dommages de l’hypertension pulmonaire pourraient être irréversibles.

Quelques jours après le cathéter cardiaque, nous retrouvons le sourire de notre grand garçon
Quelques jours après le cathéter cardiaque, nous retrouvons le sourire de notre grand garçon

La chirurgie

Ti coco d'amour (photoshoot pour la Fondation)
Ti coco d’amour (photoshoot pour la Fondation)

La veille de la chirurgie, nous devons retourner à l’hôpital pour tous les tests “pre-op”. De plus, nous pouvons enfin rencontrer le chirurgien pour poser nos questions. Ce moment, nous l’attentions depuis très longtemps.

Suite à notre rencontre, nos doutes sont confirmés : l’opération est extrêmmement risquée. Ce chirurgien a près de 30 ans d’expérience et il est surnommé “Dieu” à l’hôpital car il fait des choses extraordinaires avec ses mains. Ce chirurgien qui a sauvé la vie de milliers d’enfants nous partage qu’il est très inquiet de performer la chirurgie sur notre bébé. Il n’est pas certain que la chirurgie réussira à sauver notre enfant et il craint même qu’Adam n’en ressorte pas vivant! Plusieurs pourraient le trouver sans coeur de nous parler ainsi, mais nous sommes parents d’un enfant gravement malade et nous préférons connaître la vérité toute crue, même si elle fait mal, très mal. Avons-nous un autre choix? Pas du tout. Il faut tenter le tout pour le tout. C’est la chirurgie ou retourner à la maison pour le voir mourrir. Voilà nos possibilités. Cruel dilemme, qui n’en est même pas un…nous choisissons de lui donner une chance de vivre…et si le chirurgien se trompait et que notre fils survivait? Et si nous pourrions avoir le bonheur de le voir grandir et peut-être même avoir la chance de mettre toute cette expérience derrière nous et profiter enfin de la vie?

Alex a obtenu une permission très spéciale : il peut rester faire dodo avec nous à l’hôpital! Il pourra profiter lui aussi de chaque moment avec Adam…pour une dernière fois avant la chirurgie.

Notre dernière soirée se passe…comme une soirée à l’hôpital! Signes vitaux, prises de sang, installation de l’IV. Adam pleure à cause des piqûres et souhaite se reposer. Nous, nous souhaitons passer de bons moments tranquilles avec notre fils. Je le berce pour l’endormir, chose que je fais presque chaque soir depuis que nous sommes à l’hôpital…sauf que cette fois-ci, c’est peut-être le dernier soir que je le berce. Adam s’endort, mais je ne veux pas le déposer dans son lit comme d’habitude, je veux le garder dans mes bras pour toujours. Sentir sa chaleur, sa bonne odeur de bébé, caresser ses beaux cheveux doux, contempler sa belle main potelée. Je veux rester ainsi pour toujours, je suis si bien, je l’aime tellement. On ne peut pas nous l’enlever, il est trop parfait ce petit être.

Je finis par le déposer dans son lit, nous devons nous reposer car nous avons une grosse journée demain. Il est passé minuit et nous devons nous lever tôt le lendemain.

Après quelques heures de sommeil, je vais réveiller Alex pour qu’on puisse profiter d’un moment de calme ensemble avant le réveil d’Adam. Il fait encore noir dehors, il doit être 5h30 le matin.

Comme tous les matins, nous souhaitons bon matin à notre petit ange qui est de très bonne humeur. Nous devons lui donner un bain avec un savon spécial désinfectant, ranger notre chambre et être prêts pour 7h30. Nous saurons alors si la chirurgie a vraiment lieu car nous aurons la confirmation qu’un lit est disponible pour Adam aux soins intensifs. Nous souhaitons à la fois qu’il n’y ait pas de place pour avoir plus de temps avec lui, mais en même temps, nous souhaitons que la chirurgie ait lieu pour qu’on passe à autre chose et qu’on puisse mettre cette épreuve derrière nous. Nous sommes très tendus, mais nous essayons de faire comme rien n’était afin de profiter des beaux moments avec notre bébé. Alex a vraiment le tour pour faire rigoler Adam : il rit aux éclats tout le temps que dure son bain!

Adam dans les bras de papa quelques minutes avant sa chirurgie
Adam dans les bras de papa quelques minutes avant sa chirurgie

Nous avons le goût de pleurer : il s’agit de notre dernière matinée avec notre fils, tel qu’on le connaît. C’est un moment difficile et nous avons le goût de reculer : et si on faisait une gaffe avec la chirurgie? Et si on n’entendait plus jamais ce beau rire si joyeux? Et si demain notre fils ne serait même plus vivant? Nous avons à l’intérieur de notre poitrine une boule immense remplie d’émotions. Un mélange de joie, de peur, de peine, d’espoir. La chirurgie est supposée nous offrir un enfant “réparé” qui pourra vivre un semblant de vie normale, mais elle comporte tellement de risques, qu’elle va peut-être nous l’enlever. Nous pourrions avoir encore quelques semaines, voir quelques mois avec lui. Mais nous savons que nous ne pouvons trop attendre, car son état de santé se dégrade : il a de plus en plus de difficulté à respirer et il tousse comme un p’tit vieux alors qu’il n’a que 5 mois!

Nous ne voulons pas que nos émotions nous empêche de profiter de ces derniers moments privilégiés avec Adam et nous nous efforçons de garder notre calme pour qu’il se sente bien. Alex ouvre les rideaux. Devant nous, le plus beau lever de soleil que j’ai jamais vu. Je berce mon beau Adam et on lui chante Yellow de Coldplay “look at the stars, look are they shine for you”, la chanson que je lui chante tous les soirs depuis sa naissance. Nous sommes baignés de lumière orangée. C’est comme si le ciel nous donnait un signe : “tout va bien aller, on s’en occupe du beau Adam”. Il s’agit d’un moment parfait, un moment ou on aimerait arrêter le temps. J’ai mon bébé qui dort paisiblement dans mes bras et mon amoureux à mes côtés, je suis comblée. Nous nous berçons ainsi pendant plusieurs minutes. Nous nous disons que c’est impossible que la vie nous enlève un si bel enfant. Adam mérite la vie et nous, nous méritons de l’avoir dans notre vie. Il mérite d’observer un oiseau dans le ciel, d’aller à la mer et de courir pour se sauver des vagues sur le bord de la plage, de dire “regarde papa mon beau dessin”, de courir dans notre chambre la nuit et de me réveiller en disant “maman j’ai peur des monstres”, de nous faire des milliers de sourires et d’éclats de rire….bref une vie comme tous les autres enfants. Nous demandons rien de plus que d’avoir le bonheur de le voir grandir ce bel enfant que nous avons tant désiré et que nous aimons du plus profond de notre coeur.

J’ai demandé à ma maman de nous tenir compagnie durant cette journée. J’ai besoin d’elle car elle nous aidera à mieux contrôler nos émotions et elle pourra partager avec nous notre inquiétude, notre soulagement…et peut-être notre tristesse. Elle arrive presqu’au même moment ou on nous confirme qu’il y a un lit réservé pour Adam aux soins intensifs : la chirurgie aura lieu. Quand on nous parlait de la chirurgie il y a quelques mois, c’était loin dans notre tête…et bien c’est maintenant et c’est vrai…et j’ai la chienne de ma vie.

Plusieurs infirmiers/ infirmières viennent dans notre chambre pour nous offrir leurs souhaits. Nous sommes très touchés qu’ils prennent un moment pour nous et cela nous donne des forces.

Un infirmier “de transport” vient nous dire que c’est l’heure. Nous sortons de la chambre avec Adam et nous le déposons sur le lit “limousine” qui l’attend dans le corridor. Plusieurs membres du personnel sont à nos côtés pour nous souhaiter bonne chance et je croise même le regard d’un médecin qui m’offre un baiser soufflé. Ils sont tous conscients des risques de cette chirurgie. Nous recevons l’appui de tous et cela nous donne une énergie supplémentaire. Adam sent tout à coup qu’il se passe quelque chose de bizarre, mais heureusement il reste tout de même calme.

Arrivé au 10è étage, aux abords de la salle de chirurgie, Adam ressent notre stress et il commence à pleurer. Je mets tous les efforts pour le consoler : ce n’est pas vrai que ses derniers moments avec nous avant l’anesthésie seront des pleurs. Je le prends dans mes bras, je lui parle, je lui donne des bisous sur la tête. Je l’observe pour essayer de me souvenir du plus grand nombre de choses : ses beaux grands yeux bleus marins, sa belle bouche rieuse, ses grosses joues douces, son odeur, sa rosette à l’arrière de sa tête…je fais le plein d’images et d’odeurs pour me souvenir de mon merveilleux petit garçon. Après quelques minutes, l’anesthésiste nous dit que c’est l’heure. Nous avons énomément de difficulté à de le déposer sur le lit, nous ne voulons pas le laisser partir, c’est trop dur…

Lorsque nous le déposons dans son lit, il se fait injecter le cocktail pour l’anesthésie. On continue de lui parler, de lui dire qu’on l’aime et d’essayer de le faire rire. Nous voulons que le visage de ses parents souriants soit la dernière image qu’il voit. Tout à coup, on sent qu’il part. Il éclate d’un rire qui ne lui ressemble pas et ses pupilles sont tellement dilatées que ses yeux sont tous noirs…nous continuons tout de même de lui parler mais ses yeux sont vides. L’anesthésiste nous dit qu’il ne se souviendra plus de rien à partir de maintenant.

Il est trop tard…il me semble que je n’ai pas eu assez de temps avec lui…pas assez de temps pour l’aimer. Je regarde mon bébé se diriger vers salle d’opération. Il a 5 mois et il est supposé d’avoir toute la vie devant lui. J’ai le goût de dire que j’ai changé d’idée, que je ne veux plus, que je préfère le garder ainsi, malade mais vivant. Je ne peux pas croire que j’ai accepté qu’il se fasse charcuter ainsi. Les portes de la salle d’op se referment. Je n’en peux plus de retenir mes larmes, j’éclate en sanglots dans mes bras de ma mère. J’ai tellement peur de ne plus le revoir, j’ai mal.

Il est 9h et nous avons devons nous une longue journée d’attente car la chirurgie est complexe et prendra toute la journée.

Nous redescendons à notre chambre au 6è étage. Nous devons ramasser nos choses et libérer la chambre car Adam sera admis aux soins intensifs à la sortie de sa chirurgie. C’est bizarre mais je me sens nostalgique de quitter ma chambre. Cette chambre a été ma maison durant plusieurs mois. Nous y avons vécus à la fois des grands moments de bonheur et de chagrin.

Au 9è étage (soins intensifs), nous pouvons nous installer dans une salle spéciale. Il s’agit d’une salle fermée avec deux grands divans et une télévision. Nous nous considérons chanceux de pouvoir passer notre longue journée avec un peu de confort et d’intimité. L’infirmière de cardiologie vient régulièrement nous donner des nouvelles de la chirurgie. À chaque fois qu’elle ouvre la porte, nous essayons de lire l’expression sur son visage pour savoir si elle nous apporte une bonne ou une mauvaise nouvelle. Je me sens comme dans un rêve car rien ne semble réel jusqu’au moment ou elle vient nous annoncer que la chirurgie est terminée et qu’elle est un succès. Les 4 corrections prévues ont été effectuées et le chirurgien est satisfait. Nous pourrons voir Adam sous peu. L’attente est interminable. J’ai besoin de le voir pour vraiment croire qu’il est encore vivant.

Vers 18h, nous pouvons enfin être à son chevet. Nous étions préparés à le voir ainsi, alors ce n’est pas un si grand choc. Nous savions qu’il aurait des fils et des tubes qui sortent de partout, qu’il serait enflé et méconnaissable. Nous sommes tellement soulagés : il a survécu à la chirurgie!

Adam quelques heures après sa chirurgie cardiaque
Adam quelques heures après sa chirurgie cardiaque