Les pneumonologues trouvent Adam très essouflé lorsqu’il boit. Nous devons donc limiter l’allaitement au sein et offrir plus le biberon. C’est un gros deuil pour moi mais je suis prête à tout pour améliorer sa situation. Un CT scan est requis pour vérifier l’état de ses poumons car les pneumonologues pensent qu’Adam fait des microaspirations, c’est à dire qu’une petite quantité de lait passe dans le mauvais conduit et se rend dans son poumon plutôt que dans son estomac, se qui causerait une inflammation dans son poumon gauche. On nous explique que c’est comme si en courant le marathon on nous demanderait de boire d’un coup un grand verre d’eau…résultat : on s’etouferait! C’est le cas d’Adam lorsqu’il boit son biberon, il est tellement essouflé que c’est comme s’il court sans cesse un marathon.
Le 17 décembre Adam se rend encore une fois dans les bras de l’anesthésiste dans la salle d’examen. Il nous explique que les médecins veulent des images très précises et pour cela il doit pour un certain temps arrêter la respiration d’Adam et que c’est risqué. Il y a un risque qu’il ressorte intubé ou même d’autres complications encore pires. Nous nous n’attendions pas à un tel niveau de risque pour ce simple test et nous sommes surpris et inquiets tout à coup.
Par contre, une fois la procédure terminée, notre Adam sort extubé et nous sommes soulagés. À la salle de réveil du 10è étage, Adam se débarasse tranquillement de l’anesthésie et il pleure beaucoup. Ses petits yeux sont terrorisés, on dirait même qu’il ne nous reconnait pas! Nous devons regagner sa confiance et le rassurer car les nuits suivantes, il se réveille à plusieurs reprises en sursaut et il pleure beaucoup.
La semaine suivante, Dr. Béland vient une fois de plus annoncer une mauvaise nouvelle. Elle m’annonce qu’elle est très surprise du résultat du scan. Son poumon gauche est en mauvais état..son seul poumon fonctionnel est très malade, probalement dû à l’inflammation causée par les mircroaspirations. Lorsque j’apprends cette nouvelles, je suis seule avec Adam et je le berce en pleurant en silence. Lorsqu’Alex arrive à l’hôpital, je lui annonce la nouvelle mais nous n’avons pas le temps de pleurer puisque nous devons changer de chambre. Notre chambre est au fond du corridor et j’ai demandé à être située plus près du poste des infirmières pour me sentir plus en sécurité s’il arrive quelque chose. Nous devons transporter nos affaires dans une chambre temporaire, en attendant que notre nouvelle chambre soit lavée.
Toute la journée nous pleurons cette affreuse nouvelle et avons l’air de vrais zombies. Nous avons les yeux rouges et nous sommes épuisés de pleurer ainsi. Lorsque je me déplace pour aller à la salle de bains ou me chercher à manger, tous les regards sont vers moi tellement j’ai un air misérable. Je vis à l’hôpital, je n’ai donc aucune intimité pour vivre mes émotions, je dois les vivre en public.
Les médecins viennent nous voir pour nous expliquer la suite des choses : nous allons devoir gaver notre enfant avec un tube NJ (nasojejunal) afin d’éviter les microaspirations et diminuer les risques que les reflux gastriques se logent également dans les poumons. À partir de ce moment, nous ne pouvons plus le nourrir par la bouche afin de préserver son poumon et permettre qu’il guérisse.
Des infirmières essaient d’insérer le fameux tube. Le tube doit entrer par le nez et il doit cheminer dans l’oesophage, l’estomac, le duodénum et ensuite l’intestin. Il est extrêmement difficile à insérer et les infirmières s’y reprennent à plusieurs reprises sans succès. Pendant tout ce temps, Adam a le ‘gag reflex’ (fait des bruits de vomissements), le tube ressort par sa bouche et il hurle sans cesse…tellement qu’il est à bout de souffle, en sueur et sa fréquence cardiaque monte jusqu’à plus de 200! C’est horrible, c’est trop pour moi. Je ne suis pas encore remise de la nouvelle que je viens d’apprendre sur son poumons gauche, j’ai pleuré toute la journée et je suis épuisée..je suis incapable en ce moment d’être témoin de la souffrance de mon fils. Je dois sortir de la pièce et c’est Alex qui reste aux côtés d’Adam pour tenter de le rassurer. Il est traumatisé et tout ça pour rien car son tube n’est pas encore installé! Étant donné les difficultés, l’installation du tube aura seulement lieu le lendemain car nous devons procéder par fluoroscopie (des rayons x en vidéo) pour s’assurer que le tube est au bon endroit.
Adam a faim car il n’a pas bu depuis plusieurs heures alors il chigne mais il est trop épuisé. Il est tout blême et très faible. Il s’endort dans les bras de son papa pour une dizaine minutes et se réveille ensuite en sursaut et chigne un peu pour nous dire qu’il a faim. Nous sommes déchirés : les médecins ne veulent pas qu’on le nourisse par la bouche, mais le tube n’est pas installé, notre bébé est affamé et il devra patienter jusqu’au lendemain pour manger…Ce soir là, je pars dormir à la maison car j’ai besoin de repos. Alex prend la relève. Je sais qu’Adam va pleurer toute la nuit si on ne le nourrit pas. Il a le choix de le nourrir quand même par la bouche, malgré la réticence des médecins, ou d’attendre l’installation du tube et passer une nuit blanche à consoler Adam. Je lui dis que peu importe sa décision, je suis d’accord. Il choisit de lui donner le biberon pour éviter qu’il souffre de faim, mais de petites quantité seulement (30 ml à chaque boire). Adam réussit donc à dormir, mais se réveille souvent en sursaut et il a toujours faim.
Le lendemain, le 21 décembre, l’installation du tube a lieu dans la salle de radiographie. Adam est déposé sur la table de radio et attaché pour éviter qu’il bouge. Alex est là pour le rassurer, mais Adam hurle…
Lorsque je reviens de ma nuit de repos, je trouve Adam épuisé, faible et blême, mais il est bien car il dort dans les bras de son papa. Sa voix est rauque tellement il a hurlé au cours des dernières heures. Son pleur est presque un chuchotement. Je me sens tellement coupable et je me demande comment puis-je en tant que mère permettre à des gens de faire souffrir mon enfant de cette façon? Ce qu’il vit est inhumain et j’ai l’impression d’en être la coupable. Je suis tannée, je veux ramener mon enfant à la maison pour qu’il arrête de souffrir ainsi. J’ai une boule dans la gorge, un mélange de cupablité, de colère, de tristesse…je me sens désemparée…prisonnière…je veux quitter l’hôpital car je n’en peux plus de cette vie, mais d’un autre côté, je suis incapable d’abandonner mon enfant. Juste de l’imaginer pleurer seul dans son lit, avec personne pour le consoler c’est impossible, c’est trop cruel. Nous ne pouvons l’abandonner, nous devons continuer de le consoler et de le bercer pour lui donner l’énergie et l’amour et le soutenir pour qu’il passe au travers les épreuves. C’est notre devoir de parent de vivre avec lui ce cocktail d’émotions horribles.
Dorénavant notre enfant n’est plus nourrit comme un enfant normal, il est ce qu’on appelle “gavé”. Nous devons mettre du lait dans un sac spécial et une machine s’occupe d’en donner une certaine quantité à l’heure via son tube. À chaque fois que je mets du lait dans le sac (donc à chaque 4 heures), je repense à quand j’avais de la peine d’arrêter l’allaitement au sein pour le remplacer par biberon. J’étais dont attristée à ce moment…mais avoir su que j’allais gaver mon enfant, j’en aurais tellement pas fait de cas car c’était tellement rien comme deuil finalement! La preuve qu’il peut toujours avoir pire dans la vie…toute une leçon.