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Mère d'Adam Richer

On ne s’habitue pas…préparation au troisième cathéter cardiaque

Cette semaine, nous sommes allés à l’hôpital pour le pré-op. Nous avons rencontré des infirmières, un pédiatre,  une anesthésiste et le cardiologue spécialisé qui pratiquera le cathéter. Nous avons pu poser toutes nos questions. Le but étant de nous aider à nous préparer…mais peut-on vraiment être prêts?

Nous avons eu la date : 3 février, 8h.
Dans quelques jours, dans quelques heures…

Si certains se posent la question : Non, on ne s’habitue pas à tout ça. Oui, l’hôpital est un lieu familier pour nous car nous y avons vécu durant plusieurs mois. Quand je m’y promène avec Adam nous nous arrêtons souvent pour saluer les nombreuses personnes qui ont croisé notre chemin durant son hospitalisation ou qui s’occupent maintenant de lui. À ma plus grande fierté, tous sont émus de le voir et de constater comme il est mignon et qu’il grandit bien. Le Children, c’est notre deuxième maison car on y passe de 1 à 3 jours par semaine pour de multiples rendez-vous. Mais malgré tout, je ne m’habitue pas. Je ne pourrai jamais m’habituer à l’odeur particulière qui y flotte. Mais, surtout, je ne pourrai jamais m’habituer à craindre pour la vie de mon enfant, craindre d’apprendre encore des mauvaises nouvelles, craindre de ne pas le ramener à la maison, craindre qu’il souffre, craindre qu’il ait peur et que mes bras et mes berceuses ne suffisent plus pour le consoler et le rassurer.

Comme j’ai pu lire dans la petite brochure d’information qu’on m’a remise : “Un cathétérisme cardiaque comporte peu de risque”. Oui, je sais que ça reste une procédure plutôt banale. Mais je sais aussi qu’avec un enfant gravement malade, rien n’est banal. Une hospitalisation d’une nuit peut facilement se transformer en plusieurs jours car les risques de complications sont plus élevés.

J’essaie de rationaliser. Oui Adam a vu pire dans sa courte vie. Entre autre, une opération à cœur ouvert dont les pronostics étaient *très* mauvais. Et il est encore là. Un cathéter, c’est vrai que c’est un “pet” à côté de ça. Mais je n’ai pas envie de tester ses limites.

Ce mardi, une vague d’amour pour Adam le guerrier et une vague de courage pour nous, les parents qui ne s’habituent pas.

Le tango d’Adam

Depuis la naissance d’Adam, nous avons droit à la même danse : deux pas en avant, un pas en arrière. On progresse, on progresse et on régresse. Adam danse le tango à sa manière et nous essayons de le suivre et de garder le rythme.

Je vais tout de suite dévoiler le punch : Nous avions un bébé wireless, nous sommes vite retournés à la bonne vieille connexion avec fil.

“Il faut être prudent avec Adam” est en quelque sorte notre slogan tellement c’est une phrase que nous avons souvent entendue de la part des médecins. C’est la raison pour laquelle nous avons eu plusieurs rendez-vous en cardiologie depuis le retrait des canules d’oxygène à la fin du mois de septembre. Vous vous souvenez, l’oxygène est un traitement pour aider à contrôler l’hypertension pulmonaire?

Le 30 octobre, l’échographie nous apprend que l’hypertension pulmonaire a augmenté. Toute ma joie d’avoir un beau Adam déguisé en Tigrou pour la veille de l’Halloween s’estompe. Moi qui était de bonne humeur. Moi qui pouvait me promener librement dans la maison. Tout ce nouveau style de vie est déjà menacé. Mais pire que tout : Adam n’est pas stable sans son oxygène supplémentaire. Une étude de nuit est requise. Nous sortons le saturomètre pour la nuit. Je me souviens, Adam fait dodo. Alex et moi soupons tranquille avec notre bouteille de vin, et on entend le saturomètre sonner. Comme nous avons une caméra pour espionner dans la chambre, nous nous retournons vite pour observer s’il s’agit d’une mauvaise lecture. Non, ce n’est pas une mauvaise lecture. Adam ne sature pas bien durant son sommeil. Nos médecins veulent une saturation au delà de 95. Adam oscille entre 89 et 95. L’appareil sonne : bip bip bip bip bip, bip bip bip bip bip. Nos regards inquiets se sont croisés et, en même temps, nos gorges se sont nouées et notre appétit est disparue. On ne s’attendait pas à ça. Cela me rappelle les mois d’hospitalisation quand le saturomètre m’empêchait de dormir la nuit car il sonnait continuellement. Je devais appeler mon infirmière et/ou l’inhalothérapeute pour vérifier que tout était ok car j’étais inquiète. Après 2 ou 3 nuits avec le saturomètre,  je confie mon appareil au département de médecine respiratoire. Une fois l’analyse complétée, notre pneumologue discute avec notre cardiologue. Un midi, le téléphone sonne chez moi. Notre pneumologue m’annonce le verdict : Adam a des désaturations environ 5% du temps dans sa nuit. C’est trop. On remet l’oxygène, mais la nuit seulement pour l’instant. La nouvelle me tombe dessus comme un mur de brique. Une gifle : dans quel monde je pense vivre moi !?! Certainement pas dans un monde ou j’ai des inquiétudes normales de parents du genre : est-ce grave ce petit bouton rouge sur la fesse? ou encore : passe-t-il assez de temps sur le ventre? Moi qui pensais que c’était terminé les mauvaises nouvelles. Comme je suis naïve! C’est incroyable comme j’ai vite oublié, comme j’ai vite passé à autre chose. À ma défense, je me rends compte que cette merveilleuse capacité d’oublier aussi vite me permet de survivre. Moi qui m’étais dit : Bye bye oxygène! Next!?

Lorsque j’ai raccroché, j’avais la larme à l’œil et le menton tremblotant. Et j’avais Adam qui me regardait avec son beau sourire et ses yeux moqueurs l’air de me demander : bon, maintenant que tu as enfin fini de parler au téléphone, tu viens jouer avec moi maman? J’ai ravalé la boule dans ma gorge et j’ai joué avec Adam comme si rien n’était. Lorsque je l’ai couché pour sa sieste, je suis allée dans ma chambre pour pleurer un bon coup…et appeler Alex. C’est difficile de revenir en arrière. En un mois, trente dodos seulement, j’étais déjà habituée. J’étais prête à remiser le concentrateur d’oxygène dans sa boîte et j’avais déjà des rêves fous d’un petit garçon sans petites joues rouges abîmées par les collants qui tiennent ses canules d’oxygène. De pouvoir prendre une marche sans qu’on regarde mon bébé avec un air de pitié. De me dire que nous avons passé au travers et que le mieux est à venir. Mais je me trouve tout à coup bien égoïste de penser à tout ça. Il y a pire et c’est dans le fond ce qui me fait le plus mal : Adam ne va pas mieux. Il a encore besoin d’oxygène supplémentaire.

Une autre étude de nuit est requise pour observer si le traitement fonctionne. Nous remettons le saturomètre pour faire l’étude de nuit. La saturation d’Adam oscille entre 96-99…fiou!

Rendez-vous un mois plus tard en cardiologie. Nous sommes au début du mois de décembre. L’échographie d’Adam n’est pas belle. Son hypertension reste très élevée. On quitte l’hôpital avec la prescription de remettre l’oxygène 24 heures sur 24. Comme avant. Comme depuis toujours finalement. Un pas en arrière.

Adam devant le sapin
Adam devant le sapin

Notre cardiologue me parle de la possibilité de faire un cathéter cardiaque. Elle veut comprendre pourquoi l’hypertension persiste alors qu’Adam a eu sa chirurgie depuis plusieurs mois déjà. Il a grandit et ses poumons sont “supposés” être plus développés, donc plus forts. Elle veut s’assurer que l’on ne passe pas à côté de quelque chose qui ne peut être détecté avec une échographie.

Mais avant tout, on peut essayer autre chose : augmenter son médicament pour l’hypertension pulmonaire, son viagra (c’est véridique : mon bébé prend une dose de viagra à chaque six heures). Sa dose n’est plus suffisante car elle n’a pas été ajustée depuis sa sortie de l’hôpital et son poids a augmenté. Comme ce médicament peut occasionner une importante chute de pression, nous devrons passer la journée à l’hôpital pour surveiller ses signes vitaux. Ma nuit est courte. Je dois donner une dose à la maison à 1h am et nous avons rendez-vous à l’hôpital de jour à 7h30 am pour prendre les signes vitaux avant d’administrer la première dose de la journée.  Ensuite, pour la première heure, Adam reçoit la visite de l’infirmière à chaque 15 minutes pour prendre sa pression. Pour les deux heures suivantes, sa pression est prise aux 30 minutes et ensuite sa pression est prise une fois par heure. Il est déjà l’heure de la deuxième dose et on recommence la même histoire. Nous passerons en tout 9 heures dans une pièce minuscule (j’ai à peine la place pour y ranger ma poussette) qui est meublée d’un lit pour Adam et d’une chaise en plastique sans accoudoirs. Nous tentons du mieux que nous pouvons de passer le temps.

À chaque rendez-vous à l’hôpital, je fais des pieds et des mains pour qu’Adam ne se rende pas compte qu’il passe une journée moche. Adam ne mérite pas de passer des journées moches car à mon avis, il a déjà presque épuisé sa réserve de journées moches à vie. Je suis particulièrement over enthousiaste quand je suis à l’hôpital et j’ai surement l’air cinglée aux yeux des autres. Mais cela m’importe peu. Ce qui m’importe c’est surtout que je ne veux pas qu’Adam trouve ses journées moches.  Même s’il les passe souvent à regarder entre les barreaux d’un lit d’hôpital ou dans sa poussette recouverte de son plastique protecteur pour la pluie (moi je m’en sers pour le protéger des microbes) entre deux rendez-vous.  Même s’il ne peut faire la sieste et qu’il est épuisé, même s’il se fait piquer, tripoter, examiner et même s’il ne peut toucher à rien car il y a des microbes partout, je veux qu’il ait l’impression que sa journée est plutôt géniale. Et ma méthode, elle marche. Adam aime se promener dans les corridors de l’hôpital. Tous ceux qui croisent son chemin ont droit à son beau sourire : patients, infirmières, médecins, personnel d’entretien, name it!

Bon revenons à nos moutons. Donc à la mi-décembre nous avons augmenté la dose de médicament pour son hypertension pulmonaire. Début janvier, nous avons (encore) rendez-vous en cardiologie pour une échographie. Et encore une fois, ce n’est pas très positif. Malgré le retour de l’oxygène supplémentaire 24 heures sur 24 ainsi que de l’augmentation de la dose de sa médication, l’hypertension pulmonaire reste stable. La cardiologue aurait aimé qu’elle diminue. Elle suspecte donc la formation de nouveaux collatéraux (veines qui se sont formées suite au blocage de d’autres veines). Nous n’aimons pas les collatéraux car ses veines apportent un trop grand volume de sang au cœur et aux poumons. Le cathéter reste donc inévitable car il permettra d’aller bloquer ces veines indésirables à l’aide de serpentins. Adam sera sous sédation. Adam sera intubé. Adam passera (au moins) une nuit à l’hôpital avec maman. Adam sera comme toujours courageux et extraordinairement fort.

Nous aurons rendez-vous dans les prochaines semaines. J’espère qu’il ne s’agit pas encore une fois d’ouvrir une boîte de Pandore et que nous n’aurons pas de mauvaises surprises comme nous en avons l’habitude.

À suivre…en attendant, essayons de ne pas trop y penser…

Fini le tube… ou encore la millième fois qu’Adam a tiré sur son tube

ENFIN! PLUS DE TUBE NG! Oui, je peux l’écrire en majuscule car je suis hyper contente!
Ça fait plusieurs mois que j’apprends à Adam à boire son biberon et aussi à manger des céréales et des purées. Pour des parents d’enfants en santé, cela peut paraître très banal car manger vient de façon naturelle pour la plupart des enfants. Mais pour Adam qui n’a rien avalé par la bouche entre l’âge de 7 semaines et de 7 mois, c’est un grand exploit! Cela m’a demandé (et me demande encore) énormément de patience. Il faut apprendre à lâcher prise et accepter que c’est LUI qui décide.

Quand il ne buvait que 40 ml dans son biberon et que je savais très bien qu’il avait encore faim, oui j’étais frustrée de sortir la machine pour lui faire un “feed”. Je savais qu’il pouvait faire mieux…

Quand toutes les purées que je préparais finissais aux poubelles (ou bien dans ma bouche!) car il levait le nez sur chaque aliment, oui j’étais frustrée car je me disais que jamais viendrais le jour où il pourrait s’alimenter normalement.

Quand à l’hôpital on me parlait de gastrostomie (trou dans le ventre qui permet de nourrir (gaver) directement dans l’estomac) car garder un tube nasogastrique trop longtemps peut ralentir son développement, je priais pour qu’il accepte de manger un peu plus chaque jour…et j’ai réussi!

Ce fut difficile, long et cela m’a demandé un grand contrôle car parfois, j’avoue que j’ai eu envie de lui crier : pourquoi tu ne manges pas??!! Mais jamais je l’ai fait. J’ai tout gardé en dedans car je savais que si je le brusquais trop, j’allais aboutir au résultat inverse : l’aversion orale. Et ça, j’aurais vu ça comme un échec.

Une fois la nourriture bien intégrée, la dernière étape sur laquelle j’ai du travailler, ce fut de lui faire avaler ses médicaments. Adam prend 5 fois par jour plusieurs médicaments et certains sont très importants, entre autre celui pour son hypertension pulmonaire. Je ne pouvais me permettre de retirer le tube sans m’assurer qu’il était capable de les avaler en tout temps. Même quand il est fatigué, même quand il pleure, même quand il me repousse avec ses petites mains et qu’il détourne la tête, même quand je dois le réveiller pour qu’il prenne sa dose à minuit. Voyant son air dégoûté lorsque je lui ai donné ses médicaments à la seringue pour la première fois, j’ai essayé de les camoufler dans du lait, il l’a su et n’a pas voulu son biberon. J’ai essayé de les camoufler dans les céréales, il l’a su et n’a pas voulu son bol. J’ai essayé de mettre le médicament dans une tétine de biberon pour en faciliter l’ingestion, il refusait et pleurait…je savais que je devais insister car il devait s’habituer au (mauvais) goût de ses médicaments, mais aussi, je ne devais pas trop le brusquer, comme pour la nourriture.

On me disait souvent : comme il est sage, il n’essaie pas d’enlever son tube! Euuuhhh non! C’est juste que j’étais obsédée par les tapes que je lui posais dans le visage pour essayer de le retenir ce fameux tube. Adam ne comprenais pas encore qu’il y avait une conséquence à se frotter dans le visage et à arracher ses tapes. Adam ne comprenais pas encore pourquoi lorsque le tube sortait, je devais le remettre. Il pleurait chaque fois que je changeais les tapes (donc chaque jour) encore plus lorsque je devais remettre le tube.

Mise en situation : il est minuit trente, Adam vient de finir son biberon et on se berce tranquille. Son tube l’agace et il se frotte près du nez et il frotte et frotte…j’essaie de l’empêcher, mais dès que je lâche son bras, il continue…il finit par réussir et tire sur son tube. Comme le tube sort, il a un haut de coeur et vomi tout le lait qu’il vient de boire! Génial! Je dois laver Adam, laver le vomi, préparer tout le matériel et lui remettre le tube et finalement lui redonner le biberon…finalement, je peux aller au lit vers 2h…ouf!

Et puis dimanche soir dernier, il jouait dans son exerciseur pendant que je faisais la vaisselle. J’ai entendu un bruit de toux et haut de coeur…notre ti homme venait d’enlever son tube pour la millième fois. C’était bientôt l’heure du dodo…je n’avais pas envie de le faire pleurer, je n’avais pas envie de lui remettre son tube. Je me suis dit que j’allais essayer sans et que si j’avais de la difficulté, j’avais toujours l’option de le remettre. J’étais stressée car je perdais mon “backup” s’il ne mangeait pas bien. J’étais habituée de pouvoir lui donner le lait qu’il ne buvait pas, même quand il dormait. J’avais une sécurité…et tout cela disparaissait avec le tube…

J’ai bien fait de prendre ce “risque” (eh oui, je vis dangeureusement!) car cela fait presque une semaine et ça s’annonce bien! Enfin, je peux voir le visage de mon Adam…comme il est beau et comme il a l’air “normal” i.e. pas l’air d’un enfant malade avec des tapes et des tubes dans le visage.

Adam sans tube