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Un brin d’espoir

Adam qui est sérieux. Il en a vécu des épreuves ce petit garçon.
Adam qui est sérieux. Il en a vécu des épreuves ce petit garçon.

Le lendemain, Dr. Béland, qui n’accepte pas d’arrêter de se battre pour notre Adam,  vient nous annoncer qu’il y aurait peut-être une solution : s’attaquer d’abord au poumon droit qui est problématique et qui l’empêche d’être “plogué” sur la machine coeur-poumon (bypass), essentiel pour effecuter la chirurgie cardiaque. Ce qui est proposé serait d’enlever soit deux lobes (lobectomie) ou bien le poumon droit au complet (pneumonectomie) d’abord et ensuite, effectuer la chirurgie cardiaque.

Ce n’est pas rien car c’est deux chirurgies plutôt qu’une, mais nous sommes soulagés qu’une solution soit proposée. Il s’agit d’une bonne nouvelle, même si nous sommes conscients que c’est loin d’être fini et que ce genre de chirurgie est très très très risqué…cela nous donne de l’espoir.

Nos cardiologues ont des contacts au “Children’s Hospital Of Philadelphia” (CHOP). Cet hôpital possède un immense centre de cardiologie et ils ont beaucoup d’expertise. Le dossier d’Adam est donc envoyé à cet hôpital pour recevoir un deuxième avis médical. Peut-être auront-ils un nouveau regard et seront en mesure d’élaborer un plan d’action?

Activité de fabrication de toutou. Nous avons placé les souhaits à l'intérieur du toutou pour porter chance à Adam.
Activité de fabrication de toutou. Nous avons placé les souhaits à l’intérieur du toutou pour porter chance à Adam.

Nous patientons quelques jours et finalement, nous apprenons qu’un renommé chirurgien spécialiste des maladies congénitales suggère d’effectuer la lobectomie en même temps que de faire la chirurgie cardiaque. Cela redonne confiance à notre chirurgien qui accepte le défi : il accepte de faire la chirurgie cardiaque. Plus question de faire une lobectomie.  Après avoir étudié cette option, elle est finalement écartée. Quatre corrections sont prévues lors de cette chirurgie : ligaturer la veine cimeterre, fermer la CIV, fermer en partie la CIA pour permettre une fenestration et faire un “baffle” pour reconnecter au bon endroit le retour veineux anormal.

Dr. Béland nous avise de la date : 18 mars. Je pleure dans les bras d’Alex car je suis soulagée de savoir que tout n’est pas perdu, qu’il y a quelqu’un qui est prêt à faire quelque chose pour guérir notre Adam. Notre fils est opérable et nous avons une date. Fini d’être dans l’attente sans avoir rien de concret a espérer. Nous recommençons à rêver de rentrer un jour à la maison avec notre ti homme dans nos bras et de mener une vie comme les autres.

Une vie comme les autres, c’est une vie ou l’on ne craindera pas à tout moment perdre notre fils. Une vie ou je pourrai aller acheter des pyjama chez Costco et pouvoir enlever les étiquettes tout de suite, car je sais que mon enfant va vivre assez longtemps pour les porter. Une vie ou il n’y aura pas de machine qui “beep” quand il va pleurer parce qu’il désature ou que son rhymthe cardiaque est trop élevé. Une vie ou je vais pouvoir faire plus de 3 pas avec mon bébé dans mes bras parce qu’il ne sera pas relié par des fils à toute sorte de machines. Une vie que la plupart des gens prennent pour acquis, mais que nous, nous n’avons jamais eu le bonheur de connaître.

Adam qui fait la baboune : monsieur n'a pas envie de danser avec maman!
Adam qui fait la baboune : monsieur n’a pas envie de danser avec maman!

“on pass” à la maison

Adam aime bien rigoler avec son papa
Adam aime bien rigoler avec son papa

Maintenant que nous connaissons la date de la chirurgie, les médecins nous accorde un immense privilège : l’opportunité de passer quelques jours à la maison avec Adam en attendant sa chirurgie. C’est ce qu’on appelle “on pass”. Nous pouvons aller passer 72 heures à la maison et nous devons ensuite revenir passer une nuit à l’hôpital. Ensuite, nous pouvons repartir pour un autre 72 heures.

Adam dans son banc d'auto avec son saturomètre et son oxygène :  il est prêt pour sa sortie de l'hôpital!
Adam dans son banc d’auto avec son saturomètre et son oxygène : il est prêt pour sa sortie de l’hôpital!

Pour ce faire, nous devons acheter tout l’équipement nécessaire pour qu’Adam soit en sécurité avec nous : machine High Flow, concentrateur d’oxygène, saturomètre, etc. Cela est une dépense de plusieurs milliers de dollars. Plusieurs pourraient nous trouver complètement fous d’effectuer une aussi grosse dépense pour avoir notre garçon chez nous durant probablement environ 7 jours en tout, mais il faut tenter de comprendre que nous n’avons presque jamais vécus à la maison avec notre enfant. Être à la maison, tranquille avec notre enfant est pour nous un rêve car nous avons toujours vécu à l’hôpital ou nos journées sont ponctuées par des visites de médecins ou d’infirmières. Il fait la sieste?  Pas grave!  On doit faire sa prise de sang. On joue ou on fait la lecture? Pas grave! On doit faire ses signes vitaux. Tout cela devient fatiguant et aucune routine normale n’est envisageable. La conséquence est que notre bébé est souvent irritable car ses moments de repos ou de joie sont sans cesse interrompus.

Adam adore se tremper les foufounes dans le bain!
Adam adore se tremper les foufounes dans le bain!

Ce qui fait également pencher la balance, c’est qu’Alex et moi n’avons pas dormi une seule nuit ensemble depuis le 5 décembre…donc d’avoir un semblant de vie normale avec notre enfant à la maison, de vivre cette expérience n’a pas de prix pour nous. Surtout que nous ne sommes pas certains de revoir notre fils après sa chirurgie. Nous procédons donc à l’achat de l’équipement et ce n’est pas sans stress que nous nous dirigeons vers la maison. Qu’arrive-t-il si l’équipement fait défaut? Si mon bébé redevient bleu comme en décembre dernier et que cette fois-ci nous n’avons pas autant de chance que la première fois et qu’il y reste? S’il arrête de respirer pour de bon, ce sera de notre faute, puisque nous aurons de notre propre gré sorti Adam de sa bulle à l’hôpital…

Adam qui fait l'avion avec papa...tellement rare de le voir sans fil....
Adam qui fait l’avion avec papa…c’est tellement rare de le voir sans fil et sans tape dans le visage..

Nous réalisons vite que le séjour à la maison n’est pas si spectaculaire que nous l’avions rêvé. Il est “plogué” sur autant de machines qu’à l’hôpital et simplement se déplacer demande une grande ingéniosité. Nous sommes donc en quelque sorte “prisonniers” dans le salon. Aussi, Adam ne connait pas sa propre maison. Pour lui, sa maison, c’est sa chambre d’hôpital. Il n’a jamais vraiment voyagé dans un siège d’auto, et il n’est pas habitué de changer de décor… Il se sent donc très insécure, car il ne connait rien d’autre que sa chambre d’hôpital. Nous passons donc notre premier 72 heures avec beaucoup de difficultés : Adam pleure sans cesse.  Nous qui avions rêvé de le bercer, de jouer avec lui sur son tapis d’éveil, de faire la sieste dans notre grand lit avec lui, d’écouter un bon film pendant qu’il dort paisiblement dans nos bras…bref d’avoir de bons moments en famille…c’est loin d’être le cas! Nous tentons du mieux que nous pouvons pour le faire sentir à l’aise et vers la fin du séjour, il réussit à passer un peu de temps plus calme…mais nous devons déjà retourner à l’hôpital!

Adam aime se coller avec maman à la maison
Adam aime se coller avec maman à la maison

Il revient à l’hôpital avec une fièvre et la voix rauque tellement il a pleuré. Nous sommes terriblement déçus et nous voyons notre séjour à la maison comme un échec, en plus de regretter d’avoir dépensé tout cet argent pour rien finalement. Nous restons donc plus d’une nuit à l’hôpital afin qu’il puisse se remette de ses émotions. Nous hésitons beaucoup à tenter de retourner à la maison car nous craignons de lui faire revivre la même chose. Nous souhaitons que la dernière semaine avant sa chirurgie soit une belle semaine, pas une semaine remplie de moments ou il teste notre patience en pleurant sans cesse.

Adam le tanant!
Adam le tanant!

Après deux jours de réflexion, nous avons envie de tenter un deuxième essai et nous retournons passer du temps à la maison. Par contre, cette fois-ci, s’il pleure beaucoup, nous reviendrons avant la limite de 72 heures. Nous avons bien fait de prendre ce risque : nous sommes tellement heureux car ce deuxième séjour se déroule à merveille! Quelle joie de voir notre fils s’émerveiller et rire sur son tapis d’éveil, de pouvoir le bercer avec de la musique douce dans notre super chaise berçante confortable et de pouvoir en même temps boire un bon verre de vin avec mon homme. De manger un bon souper, pas de la bouffe d’hôpital fade et sèche. De pouvoir prendre une douche chaque jour. De pouvoir aller aux toilettes le moment ou j’en ai envie et sans devoir mettre du papier sur la bol et devoir me dépêcher car quelqu’un autre souhaite y aller. De me coucher le soir aux côtés de mon homme dans notre grand lit confortable. De savoir que je peux dormir en toute tranquillité et que je n’entendrai pas un autre enfant pleurer ou crier parce qu’il a mal (oui on entend les autres patients à travers la porte de notre chambre d’hôpital, surtout la nuit) ou de savoir que  je conserve mon intimité car personne ne va entrer dans la chambre pendant que nous dormons pour ausculter mon enfant ou pour prendre des données sur sa respiration, sa saturation et son rhytme cardiaque.

Adam et son ami le lion
Adam et son ami le lion

Nous passons de très beaux moments avec notre fils et comme toute bonne chose a une fin, nous devons retourner à l’hôpital…Adam aura peut-être sa chirurgie le lendemain…s’il y a un lit qui est disponible aux soins intensifs…chose que nous saurons que le matin même du 18 mars…

Adam aime ça montrer sa bédaine!
Adam aime ça montrer sa bédaine!

La chirurgie

Ti coco d'amour (photoshoot pour la Fondation)
Ti coco d’amour (photoshoot pour la Fondation)

La veille de la chirurgie, nous devons retourner à l’hôpital pour tous les tests “pre-op”. De plus, nous pouvons enfin rencontrer le chirurgien pour poser nos questions. Ce moment, nous l’attentions depuis très longtemps.

Suite à notre rencontre, nos doutes sont confirmés : l’opération est extrêmmement risquée. Ce chirurgien a près de 30 ans d’expérience et il est surnommé “Dieu” à l’hôpital car il fait des choses extraordinaires avec ses mains. Ce chirurgien qui a sauvé la vie de milliers d’enfants nous partage qu’il est très inquiet de performer la chirurgie sur notre bébé. Il n’est pas certain que la chirurgie réussira à sauver notre enfant et il craint même qu’Adam n’en ressorte pas vivant! Plusieurs pourraient le trouver sans coeur de nous parler ainsi, mais nous sommes parents d’un enfant gravement malade et nous préférons connaître la vérité toute crue, même si elle fait mal, très mal. Avons-nous un autre choix? Pas du tout. Il faut tenter le tout pour le tout. C’est la chirurgie ou retourner à la maison pour le voir mourrir. Voilà nos possibilités. Cruel dilemme, qui n’en est même pas un…nous choisissons de lui donner une chance de vivre…et si le chirurgien se trompait et que notre fils survivait? Et si nous pourrions avoir le bonheur de le voir grandir et peut-être même avoir la chance de mettre toute cette expérience derrière nous et profiter enfin de la vie?

Alex a obtenu une permission très spéciale : il peut rester faire dodo avec nous à l’hôpital! Il pourra profiter lui aussi de chaque moment avec Adam…pour une dernière fois avant la chirurgie.

Notre dernière soirée se passe…comme une soirée à l’hôpital! Signes vitaux, prises de sang, installation de l’IV. Adam pleure à cause des piqûres et souhaite se reposer. Nous, nous souhaitons passer de bons moments tranquilles avec notre fils. Je le berce pour l’endormir, chose que je fais presque chaque soir depuis que nous sommes à l’hôpital…sauf que cette fois-ci, c’est peut-être le dernier soir que je le berce. Adam s’endort, mais je ne veux pas le déposer dans son lit comme d’habitude, je veux le garder dans mes bras pour toujours. Sentir sa chaleur, sa bonne odeur de bébé, caresser ses beaux cheveux doux, contempler sa belle main potelée. Je veux rester ainsi pour toujours, je suis si bien, je l’aime tellement. On ne peut pas nous l’enlever, il est trop parfait ce petit être.

Je finis par le déposer dans son lit, nous devons nous reposer car nous avons une grosse journée demain. Il est passé minuit et nous devons nous lever tôt le lendemain.

Après quelques heures de sommeil, je vais réveiller Alex pour qu’on puisse profiter d’un moment de calme ensemble avant le réveil d’Adam. Il fait encore noir dehors, il doit être 5h30 le matin.

Comme tous les matins, nous souhaitons bon matin à notre petit ange qui est de très bonne humeur. Nous devons lui donner un bain avec un savon spécial désinfectant, ranger notre chambre et être prêts pour 7h30. Nous saurons alors si la chirurgie a vraiment lieu car nous aurons la confirmation qu’un lit est disponible pour Adam aux soins intensifs. Nous souhaitons à la fois qu’il n’y ait pas de place pour avoir plus de temps avec lui, mais en même temps, nous souhaitons que la chirurgie ait lieu pour qu’on passe à autre chose et qu’on puisse mettre cette épreuve derrière nous. Nous sommes très tendus, mais nous essayons de faire comme rien n’était afin de profiter des beaux moments avec notre bébé. Alex a vraiment le tour pour faire rigoler Adam : il rit aux éclats tout le temps que dure son bain!

Adam dans les bras de papa quelques minutes avant sa chirurgie
Adam dans les bras de papa quelques minutes avant sa chirurgie

Nous avons le goût de pleurer : il s’agit de notre dernière matinée avec notre fils, tel qu’on le connaît. C’est un moment difficile et nous avons le goût de reculer : et si on faisait une gaffe avec la chirurgie? Et si on n’entendait plus jamais ce beau rire si joyeux? Et si demain notre fils ne serait même plus vivant? Nous avons à l’intérieur de notre poitrine une boule immense remplie d’émotions. Un mélange de joie, de peur, de peine, d’espoir. La chirurgie est supposée nous offrir un enfant “réparé” qui pourra vivre un semblant de vie normale, mais elle comporte tellement de risques, qu’elle va peut-être nous l’enlever. Nous pourrions avoir encore quelques semaines, voir quelques mois avec lui. Mais nous savons que nous ne pouvons trop attendre, car son état de santé se dégrade : il a de plus en plus de difficulté à respirer et il tousse comme un p’tit vieux alors qu’il n’a que 5 mois!

Nous ne voulons pas que nos émotions nous empêche de profiter de ces derniers moments privilégiés avec Adam et nous nous efforçons de garder notre calme pour qu’il se sente bien. Alex ouvre les rideaux. Devant nous, le plus beau lever de soleil que j’ai jamais vu. Je berce mon beau Adam et on lui chante Yellow de Coldplay “look at the stars, look are they shine for you”, la chanson que je lui chante tous les soirs depuis sa naissance. Nous sommes baignés de lumière orangée. C’est comme si le ciel nous donnait un signe : “tout va bien aller, on s’en occupe du beau Adam”. Il s’agit d’un moment parfait, un moment ou on aimerait arrêter le temps. J’ai mon bébé qui dort paisiblement dans mes bras et mon amoureux à mes côtés, je suis comblée. Nous nous berçons ainsi pendant plusieurs minutes. Nous nous disons que c’est impossible que la vie nous enlève un si bel enfant. Adam mérite la vie et nous, nous méritons de l’avoir dans notre vie. Il mérite d’observer un oiseau dans le ciel, d’aller à la mer et de courir pour se sauver des vagues sur le bord de la plage, de dire “regarde papa mon beau dessin”, de courir dans notre chambre la nuit et de me réveiller en disant “maman j’ai peur des monstres”, de nous faire des milliers de sourires et d’éclats de rire….bref une vie comme tous les autres enfants. Nous demandons rien de plus que d’avoir le bonheur de le voir grandir ce bel enfant que nous avons tant désiré et que nous aimons du plus profond de notre coeur.

J’ai demandé à ma maman de nous tenir compagnie durant cette journée. J’ai besoin d’elle car elle nous aidera à mieux contrôler nos émotions et elle pourra partager avec nous notre inquiétude, notre soulagement…et peut-être notre tristesse. Elle arrive presqu’au même moment ou on nous confirme qu’il y a un lit réservé pour Adam aux soins intensifs : la chirurgie aura lieu. Quand on nous parlait de la chirurgie il y a quelques mois, c’était loin dans notre tête…et bien c’est maintenant et c’est vrai…et j’ai la chienne de ma vie.

Plusieurs infirmiers/ infirmières viennent dans notre chambre pour nous offrir leurs souhaits. Nous sommes très touchés qu’ils prennent un moment pour nous et cela nous donne des forces.

Un infirmier “de transport” vient nous dire que c’est l’heure. Nous sortons de la chambre avec Adam et nous le déposons sur le lit “limousine” qui l’attend dans le corridor. Plusieurs membres du personnel sont à nos côtés pour nous souhaiter bonne chance et je croise même le regard d’un médecin qui m’offre un baiser soufflé. Ils sont tous conscients des risques de cette chirurgie. Nous recevons l’appui de tous et cela nous donne une énergie supplémentaire. Adam sent tout à coup qu’il se passe quelque chose de bizarre, mais heureusement il reste tout de même calme.

Arrivé au 10è étage, aux abords de la salle de chirurgie, Adam ressent notre stress et il commence à pleurer. Je mets tous les efforts pour le consoler : ce n’est pas vrai que ses derniers moments avec nous avant l’anesthésie seront des pleurs. Je le prends dans mes bras, je lui parle, je lui donne des bisous sur la tête. Je l’observe pour essayer de me souvenir du plus grand nombre de choses : ses beaux grands yeux bleus marins, sa belle bouche rieuse, ses grosses joues douces, son odeur, sa rosette à l’arrière de sa tête…je fais le plein d’images et d’odeurs pour me souvenir de mon merveilleux petit garçon. Après quelques minutes, l’anesthésiste nous dit que c’est l’heure. Nous avons énomément de difficulté à de le déposer sur le lit, nous ne voulons pas le laisser partir, c’est trop dur…

Lorsque nous le déposons dans son lit, il se fait injecter le cocktail pour l’anesthésie. On continue de lui parler, de lui dire qu’on l’aime et d’essayer de le faire rire. Nous voulons que le visage de ses parents souriants soit la dernière image qu’il voit. Tout à coup, on sent qu’il part. Il éclate d’un rire qui ne lui ressemble pas et ses pupilles sont tellement dilatées que ses yeux sont tous noirs…nous continuons tout de même de lui parler mais ses yeux sont vides. L’anesthésiste nous dit qu’il ne se souviendra plus de rien à partir de maintenant.

Il est trop tard…il me semble que je n’ai pas eu assez de temps avec lui…pas assez de temps pour l’aimer. Je regarde mon bébé se diriger vers salle d’opération. Il a 5 mois et il est supposé d’avoir toute la vie devant lui. J’ai le goût de dire que j’ai changé d’idée, que je ne veux plus, que je préfère le garder ainsi, malade mais vivant. Je ne peux pas croire que j’ai accepté qu’il se fasse charcuter ainsi. Les portes de la salle d’op se referment. Je n’en peux plus de retenir mes larmes, j’éclate en sanglots dans mes bras de ma mère. J’ai tellement peur de ne plus le revoir, j’ai mal.

Il est 9h et nous avons devons nous une longue journée d’attente car la chirurgie est complexe et prendra toute la journée.

Nous redescendons à notre chambre au 6è étage. Nous devons ramasser nos choses et libérer la chambre car Adam sera admis aux soins intensifs à la sortie de sa chirurgie. C’est bizarre mais je me sens nostalgique de quitter ma chambre. Cette chambre a été ma maison durant plusieurs mois. Nous y avons vécus à la fois des grands moments de bonheur et de chagrin.

Au 9è étage (soins intensifs), nous pouvons nous installer dans une salle spéciale. Il s’agit d’une salle fermée avec deux grands divans et une télévision. Nous nous considérons chanceux de pouvoir passer notre longue journée avec un peu de confort et d’intimité. L’infirmière de cardiologie vient régulièrement nous donner des nouvelles de la chirurgie. À chaque fois qu’elle ouvre la porte, nous essayons de lire l’expression sur son visage pour savoir si elle nous apporte une bonne ou une mauvaise nouvelle. Je me sens comme dans un rêve car rien ne semble réel jusqu’au moment ou elle vient nous annoncer que la chirurgie est terminée et qu’elle est un succès. Les 4 corrections prévues ont été effectuées et le chirurgien est satisfait. Nous pourrons voir Adam sous peu. L’attente est interminable. J’ai besoin de le voir pour vraiment croire qu’il est encore vivant.

Vers 18h, nous pouvons enfin être à son chevet. Nous étions préparés à le voir ainsi, alors ce n’est pas un si grand choc. Nous savions qu’il aurait des fils et des tubes qui sortent de partout, qu’il serait enflé et méconnaissable. Nous sommes tellement soulagés : il a survécu à la chirurgie!

Adam quelques heures après sa chirurgie cardiaque
Adam quelques heures après sa chirurgie cardiaque