Le tango d’Adam

Depuis la naissance d’Adam, nous avons droit à la même danse : deux pas en avant, un pas en arrière. On progresse, on progresse et on régresse. Adam danse le tango à sa manière et nous essayons de le suivre et de garder le rythme.

Je vais tout de suite dévoiler le punch : Nous avions un bébé wireless, nous sommes vite retournés à la bonne vieille connexion avec fil.

“Il faut être prudent avec Adam” est en quelque sorte notre slogan tellement c’est une phrase que nous avons souvent entendue de la part des médecins. C’est la raison pour laquelle nous avons eu plusieurs rendez-vous en cardiologie depuis le retrait des canules d’oxygène à la fin du mois de septembre. Vous vous souvenez, l’oxygène est un traitement pour aider à contrôler l’hypertension pulmonaire?

Le 30 octobre, l’échographie nous apprend que l’hypertension pulmonaire a augmenté. Toute ma joie d’avoir un beau Adam déguisé en Tigrou pour la veille de l’Halloween s’estompe. Moi qui était de bonne humeur. Moi qui pouvait me promener librement dans la maison. Tout ce nouveau style de vie est déjà menacé. Mais pire que tout : Adam n’est pas stable sans son oxygène supplémentaire. Une étude de nuit est requise. Nous sortons le saturomètre pour la nuit. Je me souviens, Adam fait dodo. Alex et moi soupons tranquille avec notre bouteille de vin, et on entend le saturomètre sonner. Comme nous avons une caméra pour espionner dans la chambre, nous nous retournons vite pour observer s’il s’agit d’une mauvaise lecture. Non, ce n’est pas une mauvaise lecture. Adam ne sature pas bien durant son sommeil. Nos médecins veulent une saturation au delà de 95. Adam oscille entre 89 et 95. L’appareil sonne : bip bip bip bip bip, bip bip bip bip bip. Nos regards inquiets se sont croisés et, en même temps, nos gorges se sont nouées et notre appétit est disparue. On ne s’attendait pas à ça. Cela me rappelle les mois d’hospitalisation quand le saturomètre m’empêchait de dormir la nuit car il sonnait continuellement. Je devais appeler mon infirmière et/ou l’inhalothérapeute pour vérifier que tout était ok car j’étais inquiète. Après 2 ou 3 nuits avec le saturomètre,  je confie mon appareil au département de médecine respiratoire. Une fois l’analyse complétée, notre pneumologue discute avec notre cardiologue. Un midi, le téléphone sonne chez moi. Notre pneumologue m’annonce le verdict : Adam a des désaturations environ 5% du temps dans sa nuit. C’est trop. On remet l’oxygène, mais la nuit seulement pour l’instant. La nouvelle me tombe dessus comme un mur de brique. Une gifle : dans quel monde je pense vivre moi !?! Certainement pas dans un monde ou j’ai des inquiétudes normales de parents du genre : est-ce grave ce petit bouton rouge sur la fesse? ou encore : passe-t-il assez de temps sur le ventre? Moi qui pensais que c’était terminé les mauvaises nouvelles. Comme je suis naïve! C’est incroyable comme j’ai vite oublié, comme j’ai vite passé à autre chose. À ma défense, je me rends compte que cette merveilleuse capacité d’oublier aussi vite me permet de survivre. Moi qui m’étais dit : Bye bye oxygène! Next!?

Lorsque j’ai raccroché, j’avais la larme à l’œil et le menton tremblotant. Et j’avais Adam qui me regardait avec son beau sourire et ses yeux moqueurs l’air de me demander : bon, maintenant que tu as enfin fini de parler au téléphone, tu viens jouer avec moi maman? J’ai ravalé la boule dans ma gorge et j’ai joué avec Adam comme si rien n’était. Lorsque je l’ai couché pour sa sieste, je suis allée dans ma chambre pour pleurer un bon coup…et appeler Alex. C’est difficile de revenir en arrière. En un mois, trente dodos seulement, j’étais déjà habituée. J’étais prête à remiser le concentrateur d’oxygène dans sa boîte et j’avais déjà des rêves fous d’un petit garçon sans petites joues rouges abîmées par les collants qui tiennent ses canules d’oxygène. De pouvoir prendre une marche sans qu’on regarde mon bébé avec un air de pitié. De me dire que nous avons passé au travers et que le mieux est à venir. Mais je me trouve tout à coup bien égoïste de penser à tout ça. Il y a pire et c’est dans le fond ce qui me fait le plus mal : Adam ne va pas mieux. Il a encore besoin d’oxygène supplémentaire.

Une autre étude de nuit est requise pour observer si le traitement fonctionne. Nous remettons le saturomètre pour faire l’étude de nuit. La saturation d’Adam oscille entre 96-99…fiou!

Rendez-vous un mois plus tard en cardiologie. Nous sommes au début du mois de décembre. L’échographie d’Adam n’est pas belle. Son hypertension reste très élevée. On quitte l’hôpital avec la prescription de remettre l’oxygène 24 heures sur 24. Comme avant. Comme depuis toujours finalement. Un pas en arrière.

Adam devant le sapin
Adam devant le sapin

Notre cardiologue me parle de la possibilité de faire un cathéter cardiaque. Elle veut comprendre pourquoi l’hypertension persiste alors qu’Adam a eu sa chirurgie depuis plusieurs mois déjà. Il a grandit et ses poumons sont “supposés” être plus développés, donc plus forts. Elle veut s’assurer que l’on ne passe pas à côté de quelque chose qui ne peut être détecté avec une échographie.

Mais avant tout, on peut essayer autre chose : augmenter son médicament pour l’hypertension pulmonaire, son viagra (c’est véridique : mon bébé prend une dose de viagra à chaque six heures). Sa dose n’est plus suffisante car elle n’a pas été ajustée depuis sa sortie de l’hôpital et son poids a augmenté. Comme ce médicament peut occasionner une importante chute de pression, nous devrons passer la journée à l’hôpital pour surveiller ses signes vitaux. Ma nuit est courte. Je dois donner une dose à la maison à 1h am et nous avons rendez-vous à l’hôpital de jour à 7h30 am pour prendre les signes vitaux avant d’administrer la première dose de la journée.  Ensuite, pour la première heure, Adam reçoit la visite de l’infirmière à chaque 15 minutes pour prendre sa pression. Pour les deux heures suivantes, sa pression est prise aux 30 minutes et ensuite sa pression est prise une fois par heure. Il est déjà l’heure de la deuxième dose et on recommence la même histoire. Nous passerons en tout 9 heures dans une pièce minuscule (j’ai à peine la place pour y ranger ma poussette) qui est meublée d’un lit pour Adam et d’une chaise en plastique sans accoudoirs. Nous tentons du mieux que nous pouvons de passer le temps.

À chaque rendez-vous à l’hôpital, je fais des pieds et des mains pour qu’Adam ne se rende pas compte qu’il passe une journée moche. Adam ne mérite pas de passer des journées moches car à mon avis, il a déjà presque épuisé sa réserve de journées moches à vie. Je suis particulièrement over enthousiaste quand je suis à l’hôpital et j’ai surement l’air cinglée aux yeux des autres. Mais cela m’importe peu. Ce qui m’importe c’est surtout que je ne veux pas qu’Adam trouve ses journées moches.  Même s’il les passe souvent à regarder entre les barreaux d’un lit d’hôpital ou dans sa poussette recouverte de son plastique protecteur pour la pluie (moi je m’en sers pour le protéger des microbes) entre deux rendez-vous.  Même s’il ne peut faire la sieste et qu’il est épuisé, même s’il se fait piquer, tripoter, examiner et même s’il ne peut toucher à rien car il y a des microbes partout, je veux qu’il ait l’impression que sa journée est plutôt géniale. Et ma méthode, elle marche. Adam aime se promener dans les corridors de l’hôpital. Tous ceux qui croisent son chemin ont droit à son beau sourire : patients, infirmières, médecins, personnel d’entretien, name it!

Bon revenons à nos moutons. Donc à la mi-décembre nous avons augmenté la dose de médicament pour son hypertension pulmonaire. Début janvier, nous avons (encore) rendez-vous en cardiologie pour une échographie. Et encore une fois, ce n’est pas très positif. Malgré le retour de l’oxygène supplémentaire 24 heures sur 24 ainsi que de l’augmentation de la dose de sa médication, l’hypertension pulmonaire reste stable. La cardiologue aurait aimé qu’elle diminue. Elle suspecte donc la formation de nouveaux collatéraux (veines qui se sont formées suite au blocage de d’autres veines). Nous n’aimons pas les collatéraux car ses veines apportent un trop grand volume de sang au cœur et aux poumons. Le cathéter reste donc inévitable car il permettra d’aller bloquer ces veines indésirables à l’aide de serpentins. Adam sera sous sédation. Adam sera intubé. Adam passera (au moins) une nuit à l’hôpital avec maman. Adam sera comme toujours courageux et extraordinairement fort.

Nous aurons rendez-vous dans les prochaines semaines. J’espère qu’il ne s’agit pas encore une fois d’ouvrir une boîte de Pandore et que nous n’aurons pas de mauvaises surprises comme nous en avons l’habitude.

À suivre…en attendant, essayons de ne pas trop y penser…

10 réflexions au sujet de « Le tango d’Adam »

  1. Chère Pascale,

    J’admire tellement votre courage à tous les trois, Lâchez-pas, un pas à la fois… Adam est vraiment trop… adorable!

    Dominique
    xxxx

  2. Pascale, Alex, vous avez une force d’ esprit incroyable, et le fait de vouloir transfigurer ses ” journees moches” en journees extraordinaires, c’ est la plus belle des preuves de votre courage quotidien!
    vive les trois pas en avant qui vous permettront de sortir de ce tango vicieux

    On vous aime et on vous admire!

    lorelei

    1. Merci Lorelei, c’est bien gentil! On travaille fort pour notre petit coco et on aime penser que c’est payant puisqu’Adam devient une personne extraordinaire à travers toutes ces difficiles épreuves. 🙂 On ne lâche pas! 😀

  3. Chère Pascale, ton attitude est exemplaire… Vous êtes très forts et touchants. Continuez d’être aussi courageux et positifs. Quand j’étais en traitement pour un cancer du sein, j’ai aussi ressenti le besoin de partager mes hauts et mes bas et les commentaires des gens m’aidaient tellement. Avoir peur pour soi c’est une chose, même qu’on pense plus à la peine qu’on fait à ceux qu’on aime mais avoir peur pour son enfant…Ouf! Continue à avoir de belles idées positives! Tu es un modèle à suivre! Et je vous souhaite à toi et tes deux amours, un peu de répit. Que votre année 2015 soit remplie d’amour, de santé, de petits et grands bonheurs et de moments sereins. xoxo

    Danielle, une ancienne collègue qui t’admire (et ton conjoint).

  4. La combinaison de votre admiration, bravoure inégalable et amour inconditionnel envers ce petit coco me fait parfois oublier combien chaque nouvelle journée est un combat. Et je parle de vraie bataille ici. Le genre qui apporterait des grosses larmes à n’importe quel ‘’gros though’’ de ce monde.

    La magie dans tout ça c’est que malgré les tubes, les petites joues rouges et toutes les restrictions que vous trois vivez… Adam ne s’empêche pas de rire aux éclats, de mimiquer et de faire ses petits yeux de charmeur bien à lui (Yes, petit Hitch à en devenir). Tout ça, c’est grâce à vous!

    Grace à vous, j’ai un petit homme dans ma vie qui sait me faire craquer comme personne. Il me rend si fière, me remplie de bonheur et d’amour. À risque de me répéter, vous êtes des parents en or. Tout votre travail acharné à vouloir lui faire éponger tous les mauvais moments de sa vie transparait dans sa personnalité fleurissante. Un jour, quand j’aurai un enfant, c’est comme vous que je veux être!

  5. Pascale et Alex, je suis en parfait accord avec les commentaires de Stephanie. Touts les credits vous sont dus et plus encore pour la merveilleuse personalite et le caractere tellement engageant de votre petit Adam. Pascale, chaque jour votre fils Adam recolte le fruit de touts tes efforts de maman pour le proteger et le securiser; ils se traduisent en sourires et en rires de la part d’Adam. C’est grace et avec votre support et votre amour et devotion a toi et Alex qu’il roule avec et en face des defis. Chapeau! Ne lachez pas, eventuellement, vous allez gagner tous les trois. Vous etes des parents absolument exemplaires. Je suis desolee que nous n’avons pu vous serrer dans nos bras durant les Fetes et notre passage a Montreal mais croyez moi quand je vous dis que vous etes toujours dans mes pensees et que ce n’est que partie remise. Love,
    Nicole.

    1. Merci beaucoup Nicole pour ces beaux mots, c’est bien gentil! On ne lache pas et on essaie qu’Adam continue a se battre comme un champion. On se reprend a votre prochaine visite. D’ici-la, un gros merci et a bientot!

  6. Vous êtes vraiment forts… ne lâchez surtout pas…Votre petite famille est extraordinaire.. . Allez Adam, continue de te battre pour maman et papa, tu n’as pas idées comme ils t’aiment. xxx

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