Le sevrage — Une étape plus difficile qu’on l’imagine

Leonardo Dicaprio en sevrage dans "The Basketball Diaries"
Leonardo Dicaprio en sevrage dans “The Basketball Diaries”

Le sevrage, c’est généralement quelque chose que l’on ne voit que dans les films. On pensera sûrement à “Trainspotting” ou bien à “The Basketball Diairies”  pour nous rappeler des étapes de sevrage difficiles. Vous rappelez-vous de la scène lorsque Leonardo Dicaprio souffre le martyr dû à son besoin intense d’héroïne et qu’il serait même prêt à vendre sa mère si cela lui permettrait d’obtenir une autre dose immédiate et ainsi le soulager… Eh bien, ces choses-là n’arrivent malheureusement pas que dans les films. Ces choses là arrivent aussi aux bébés qui ont passé plusieurs semaines intubés. C’est d’ailleurs exactement ce que nous sommes en train de vivre ma coinjointe et moi depuis plus de deux semaines et laissez-moi vous dire que c’est loin d’être une partie de plaisir. Un calvaire serait plutôt le mot juste afin de décrire cette étape pénible. Si cette possibilité existait, je serais prêt à échanger de place avec Adam sur un claquement de doigts afin de lui enlever cette souffrance inhumaine. Mais lorsqu’on y pense, ces souffrances sont peu cher payées pour avoir son enfant en vie après tous ces mois de désespoir.

Ce qu’il faut savoir, en fait, c’est que lors d’une chirurgie cardiaque, il est primordial que le patient soit sous anesthésie générale afin de contrôler sa douleur et ainsi permettre à l’opération de bien se dérouler. Mais qu’arrive-t-il suite à la chirurgie? Est-ce que ces drogues sont sans conséquences? Eh bien non… Mais heureusement la majorité du temps, tout se déroule bien et ces personnes chanceuses n’auront jamais à découvrir ce qu’est le sevrage et ce que ça implique. C’est le scénario idéal de toutes familles envoyant leur enfant vers une telle chirurgie: leur enfant sort de la chirurgie et dès le lendemain, les cocktails de sédatifs sont diminués afin d’éviter à leur corps de s’habituer aux “méchants” narcotiques et ainsi aucun sevrage n’est nécessaire. Malheureusement, comme depuis le début de notre histoire, ça n’a pas été aussi simple pour notre beau Adam.

Une image qui démontre ce qu'est l'intubation par la bouche
Une image qui démontre ce qu’est l’intubation par la bouche

Premièrement, il faut savoir que de façon générale, un patient doit être intubé lors d’une opération à cœur ouvert puisque l’anesthésiste donne généralement un “cocktail” de plusieurs sédatifs très puissants qui comprend généralement des antidouleurs mais surtout des paralysants qui empêchent le patient de bouger quoi que ce soit , mais surtout d’empêcher le réflexe de respiration. Et pourtant, ce geste si intuitif pour notre corps est une chose tellement innée et nécessaire chez l’humain, comment est-ce possible d’arrêter de respirer? Pour garder l’explication courte, dites-vous que ces narcotiques ont comme effet de paralyser les muscles de tout le corps, et ceci inclus le diaphragme, ce qui rend impossible la respiration lors de l’opération. C’est grâce à l’intubation que le patient respirera durant tout le long de la procédure ainsi que les heures/jours/semaines/mois qui suivront la chirurgie.  Une fois intubé, c’est une machine que l’on appelle “ventilateur” qui permettra à l’enfant d’obtenir son oxygène et sortir son monoxyde de carbone (CO2) comme le corps le fait naturellement.

FentanylLorsque les choses vont bien suite à l’opération, on diminue les narcotiques afin de permettre au patient de déclencher lui-même ses propres respirations à travers le ventilateur. À ce moment, c’est généralement son état clinique et les prises de sang qui détermineront si le patient est en bonne voie de récupération et prêt à passer à l’étape suivante: l’extubation. On veut généralement que cette étape arrive assez rapidement puisque sinon, le corps commencera lentement mais sûrement à développer une certaine accoutumance aux narcotiques et c’est de cette façon que l’on développe ainsi uneMidazolam dépendance à ces dites drogues. Dans le cas d’Adam, nous parlons du Fentanyl, une drogue ipioïdique 80 fois plus puissante que le morphine, le Midazolam, un sédatif très puissant qui a comme effet de créer une amnésie totale sur tout ce qui s’est passé depuis la chirurgie et la Dexmedetomidine, un narcotique servant généralement au processus vers l’extubation.

 

Avant de devenir vraiment être accro à ces drogues, il faut tout de même quelques jours et de bons dosages. Malheureusement pour nous, l’étape d’intubation d’Adam a duré trois semaine versus quelques jours seulement pour les patients que nous avons jusqu’à maintenant cotoyés. Chaque jour qui passait, Adam avait de besoin de plus en plus de narcotiques pour le garder sous sédation puisque son corps s’habituait lentement mais sûrement à recevoir une certaine quantité de ces drogues. Et ceci s’applique à tout dans la vie. Par exemple, buvez une coupe de vin tous les soirs durant quelques semaines et vous verrez que le corps humain développera une tolérance. Au début, la coupe fera un certain effet sur le système mais après plusieurs jours, il vous en faudra beaucoup plus afin de satisfaire vos besoins. À la fin, la bouteille suffira a peine pour calmer la soif. Eh bien, c’est la même chose pour des narcotiques. Plus on en a, plus on en veut.

Cerveau sous stimulations de narcotiques
Cerveau sous stimulations de narcotiques

Adam n’est malheureusement pas l’exception à la règle. C’est pourquoi les médecins ont précipités les choses après la troisième semaine et ont diminués rapidement les narcotiques afin de permettre son extubation. En l’espace d’une journée et demi, Adam était sous sédation sévère pour ensuite tomber presqu’à sec (pour qu’il puisse avoir le réflexe de respirer). Les médecins ont ensuite du trouver la juste dose qui permet qu’Adam soit confortable, mais cette transition a duré plusieurs longues journées. Ces jours n’ont pas été de tout repos. Imaginez-vous un instant au chevet de votre enfant et le voir souffrir d’une façon indescriptible et être totalement impuissant devant tout ceci. Ce que Leonardo a vécu dans son film ressemble pas mal à la réalité. Sueurs, tremblements, cris, claquement des lèvres, vomissements, diarhée, gestes soudains incontrôlés, pleurs, souffrance dans les yeux… Dans ces moments, la seule chose que l’on veut faire est d’essayer de calmer notre enfant, de lui montrer que nous sommes là pour lui et que tout ira bien mais malheureusement, c’est loin d’être ce qu’il veut. La seule chose qui pourrait à peine le calmer est une dose d’extra de narcotiques que son corps demande. Au cours des derniers mois, nous avons supporté notre fils jour après jour à l’hôpital en le voyant se faire piquer partout, se faire attacher pour lui rentrer un tube par le nez sous vidéo-fluoroscopie ou même l’envoyer en salle d’opération et ne jamais savoir s’il va en sortir…malgré tout cela, c’est encore plus difficile de le regarder souffrir par manque profond de drogues dures et être totalement impuissants face à sa souffrance. C’est dans ces moments que l’on veut le tenir dans nos bras et le bercer doucement en lui disant: “Tout ira bien mon grand, papa et maman sont là.” Malheureusement, c’est ce qui l’aide le moins. C’est même une douleur supplémentaire pour lui… Le toucher est une simulation trop douloureuse pour lui. En fait, tous ses sens semblent être surdéveloppés. La seule chose qui semble l’aider est le silence, la noirceur et beaucoup de sédatifs afin qu’il ne souffre pas trop.

Adam qui se repose durant son sevrage. Ses sens sont hyper sensible alors il faut tamiser la lumière ainsi que couper tous bruits afin qu'il ne souffre pas trop...
Adam qui se repose durant son sevrage. Ses sens sont hyper sensible alors il faut tamiser la lumière ainsi que couper tous bruits afin qu’il ne souffre pas trop…

À l’hôpital pour enfants de Montréal, il y a heureusement une équipe qui se spécialise dans le sevrage. Cette équipe s’assure que votre enfant souffre le moins possible. Toutefois, dans le cas d’Adam, cela a pris plusieurs jours, voir semaines avant de trouver la recette miracle, la dose qui permet à Adam d’être confortable,  c’est à dire, d’être éveillé sans hurler. Morphine, Valium , Hydrate de Chloral et Chlonidine ne sont que quelques-unes des drogues qui ont été ajoutées à la liste des narcotiques afin de lui permettre de ne pas souffrir autant. Le but de ces nouvelles drogues est de remplacer ses besoins d’opiacés par des drogues moins fortes qui pourront lentement mais sûrement être réduites selon un plan établi et ainsi retrouver notre Adam avec ses beaux sourires d’avant sa chirurgie.

On dit que le temps est notre meilleur ami dans ces moments-là et que tous les enfants en sevrage passent par là. Laissez-moi vous dire que ce n’est pas plus facile sachant ça. Combien de fois ai-je été devant mon enfant complètement impuissant lorsque ses sédatifs arrêtaient de faire effet et qu’il criait “Maman” avec ses pupilles complètement dilatées, me demandant une chose mais voulant complètement autre chose. C’est probablement l’étape la plus difficile puisqu’avant, nous savions les enjeux. Les chances de perdre notre enfant étaient immense, mais malgré tout, nous continuions de se battre pour lui jour après jour. Mais après avoir vu notre enfant dormir pendant plus de 22 jours, nous avions beaucoup d’attentes pour reprendre le temps perdu. Cependant, le sevrage n’est pas une mince affaire. Nous venons de passer deux dures semaines à le voir ainsi et c’est loin d’être fini. On dirait qu’on voit à peine une amélioration. Au lieu de le voir reprendre du mieux, on dirait que son état s’aggrave et que les narcotiques augmentent. On a l’impression que c’est interminable….

Ahhhhhh!!! A quand la fin de ses souffrances…  et des notres…

4 réflexions au sujet de « Le sevrage — Une étape plus difficile qu’on l’imagine »

  1. Un jour à la fois mes amours. Vous lire me fait mal. Il n’y a pas de mot….Alors je garderai le silence moi aussi. Je vous aime et que les énergies soient avec vous.

    1. Bonjour Louise,

      Merci pour cette belle énergie. Je suis confiant que tout ceux qui ont pensé à Adam ont eu un impact sur sa force de combattre toutes ces dures étapes. 🙂

      Bonne journée,

      Alexandre

  2. Super ton blog Alex.
    Je pense beaucoup à vous et ça permet d’avoir des nouvelles et en apprendre sur les soins et procédures médicales.
    Ça fait très “pro” en passant, nice UI !
    Le sevrage à l’air d’être une sacrée étape.
    Continuez d’être fort, courage !

    1. Salut Ben!

      Merci pour ton petit mot. 🙂 C’est bien apprécié! Je suis bien content que tu aimes ça. Disons que le UI est très très “basic”, j’avais vraiment le temps de faire quelque chose de beau comme nous avions l’habitude de faire chez Eidos. 😉 Mais bon, l’important, c’était le contenu et non la coquille.

      Le sevrage est quelque chose… Les mots me manquaient afin de décrire ce qu’Adam et nous passons au travers avec seulement 3 semaines de gros narcotiques… je n’aimerais même pas imaginer une personne intubé pendant un mois et plus. Le sevrage pendrait probablement plusieurs mois de pur calvaire… Heureusement, nous arrivons à la fin lentement mais sûrement. Il nous reste environ un peu plus de 2 à 3 semaines à le sevrer.

      Côté médical, je ne pensais pas développer autant de connaissance aussi rapidement. Disons que lorsque ton enfant est diagnostiquer avec un tel syndrome, il est primordial d’apprendre le plus possible, sinon on se perd très vite dans ce milieu médical. 🙂

      On va bientôt être du pour des bons sushis avec Louis et le Tonynator. 😉 A bientôt mon Ben!

      Alex

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